Colloques
du 1er décembre 2020
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LE PREMIER DEGRÉ 35 – janvier 2021
Par Philippe Lencroz, SNALC Premier degré
premierdegre@snalc.fr
Dans le contexte que nous connaissons, cette conférence se tint en distanciel. À l’aube d’une école 2.0, le colloque fut le théâtre d’une multitude d’incidents, allant du « larsen » à l’impossibilité d’établir un duplex correct avec Richard Elmore, professeur à Harvard, en passant par une superbe page d’attente « La colloque… ». Les couacs techniques à répétition ont même fini par avoir raison de la patience du Professeur Dehaene, qui a lâché un : « Dans ces conditions, je vous laisse !».
Les organisateurs ont délibérément écarté les sciences et les sociologues de l’éducation pour ne conserver qu’une approche économique des questions, recouverte d’un vernis scientifique, de psychologie positive et de neurosciences.
Rendements et investissements
Dès les premiers longs monologues, monotones, parfois soporifiques, de cette longue journée, le ton était donné. « L’éducation doit être rentable, elle peut l’être si on prend les bonnes décisions ». Dans certains pays, semble-t-il, comme à Singapour, 1 € investi dans l’éducation permet une rentabilité sur le long terme de 5€, dans d’autres, un engagement de 1$ permet une rentabilité de 6 à 8 $… Le SNALC s’interroge toujours sur la pertinence de prôner des systèmes incomparables avec le système français… Le modèle de Singapour, ville-état insulaire de 6 millions d’âmes, a été choisi par nos têtes pensantes, succédant maintenant au modèle toujours à la mode de la Finlande, autre pays de seulement 6 millions d’habitants. Cela reviendrait à considérer l’Ile de France avec ses 10 millions d’habitants comme modèle pour les 57 millions d’habitants de la province. Devrait-on en conclure qu’il faut introduire l’apprentissage des sports de glisse à Marseille en utilisant la méthode savoyarde sous prétexte que la Haute-Savoie a donné plus de champions de ski que le département des Bouches du Rhône ?
Objectifs et fordisme
Notons quand même quelques bons moments durant ce colloque. Mme Huillery, professeur d’économie à Dauphine, nous a expliqué que des cours de soutien avaient une efficacité supérieure aux dédoublements CP-CE1 de M. Blanquer. M. Héran, quant à lui, professeur au Collège de France, a captivé l’auditoire en nous narrant l’Histoire de France. Très vite les objectifs du colloque sont revenus sur le devant de la scène : promouvoir les compétences socio-comportementales, piloter le système par une formation continue déterminant la carrière des enseignants et favoriser le développement professionnel basé sur l’auto-contrôle, l’autosuggestion, l’auto-régulation, l’autosatisfaction, l’auto-points-de-suspension… Mais que se cache-t-il derrière ces objectifs ? : imposer la verticalité, tout en faisant reposer la responsabilité des actes sur une horizontalité auto-censurée, auto-évaluée autrement dit muselée et docile.
Vous l’aurez compris, le développement des compétences socio-comportementales doit être l’objectif de l’école du futur, puisqu’il permet une meilleure régulation et adaptation de la main d’œuvre à la loi du marché.
Marketing et pédagogie
Ce colloque fut aussi ponctué de quelques questions pertinentes, laissées en l’état :
Comment éviter le déterminisme social ?
Comment contrer les incivilités, la violence à l’école ?
Comment organiser une pédagogie socio-constructiviste, modèle de réussite, dans un système normé, aux rites temporels : Brevet, Baccalauréat… ?
Mais il fut également ponctué par des réponses précises :
M. Dehaene a présenté les « petits livres rouges » de l’Education nationale : Recommandations pédagogiques – La Métacognition – Pédagogie et manuel pour l’apprentissage de la lecture : comment choisir ? – Pour apprendre la lecture et l’écriture au C.P – Evaluer pour mieux aider. Ne doutons pas qu’ils deviennent très rapidement les livres de chevet des nouveaux enseignants du XXIe siècle, normalisés dans des « collectifs pédagogiques », pour la plus grande gloire de l’Education selon M. Blanquer.
Heureusement que le colloque qui avait pour nom « quel professeur pour le XXIe siècle » s’est déroulé un jour de classe, les collègues ont ainsi eu la chance de pouvoir échapper à cet exposé… Mais peut-être, finalement, était-ce un des buts recherchés comme le pense le SNALC ? Lasser les premiers concernés, afin qu’ils s’en désintéressent, et pouvoir appliquer leur idéologie en se vantant d’une consultation citoyenne.