La rentrée approche ! Le ministre de l’Éducation nationale se dit serein, il y aura un professeur devant chaque classe. Peut-on être optimiste ?
Maxime Reppert, secrétaire national aux conditions de travail et climat scolaire du SNALC, répond aux questions sur CNEWS le 23 août 2022
Journaliste
Nous sommes en ligne avec Maxime Reppert, secrétaire national aux conditions de travail pour le SNALC, le syndicat national des écoles, collèges et lycées. Vous entendez depuis quelques minutes ce débat, quand vous voyez que votre ministre de l’éducation se dit plutôt serein, qu’il a conscience des difficultés, mais que l’Éducation nationale pourra mettre un enseignant face à chaque classe d’élèves, vous êtes aussi optimiste que lui ?
Maxime Reppert
Bonsoir, non, je ne suis pas optimiste et j’ai plus l’impression que la volonté c’est de mettre un adulte face aux élèves plutôt qu’un enseignant. J’ai le sentiment qu’on agit dans l’urgence, comme si on découvrait le problème. Le problème existe depuis plusieurs années. On a alerté à plusieurs reprises, mon syndicat a alerté au même titre que d’autres sur les problèmes de recrutement, sur la question de l’attractivité du métier, sur l’évolution, la dégradation des conditions de travail, on a eu des suicides médiatisés, on a eu des incidents, des agressions médiatisées, très, très régulièrement sur votre chaîne comme sur d’autres, donc il ne faut pas se voiler la face à un moment donné, il y a un gros problème, on fait des job dating un petit peu partout en France, c’est une hérésie. Donc en fait, ce que j’ai envie de poser comme question ce soir, est-ce que nous sommes dans l’Éducation nationale ? C’est-à-dire avec l’objectif d’offrir un enseignement de qualité aux enfants, parce que c’est leur droit, ou alors est-ce qu’on est dans la garderie nationale dans une vitrine où l’objectif est bien, il est purement numérique, c’est-à-dire d’aligner des chiffres, des taux de réussite, quitte à niveler par le bas la qualité de l’enseignement, en étant de moins en moins exigeant aux examens. Et puis de mettre des adultes face aux élèves, mais des adultes qui ne sont pas formés, pas assez formés parce que ceux qui sont recrutés au niveau du Job dating, pour vous donner la petite anecdote, ils ont quelques heures de formation, de réunion et c’est tout ! Ça fait 15 ans que je fais ce métier. Je peux vous dire, que ce n’est pas en quelques heures qu’on apprend à être enseignant.
Journaliste
Est-ce que vous avez l’impression que le ministère de l’Éducation nationale se rend compte de l’ampleur du phénomène parce que c’est ce que vous dites. Il y a à la fois un problème d’attractivité, de salaire mais aussi de complications, parfois on le voit dans la relation avec les parents d’élèves qui sont parfois violents, dans les agressions aussi dont sont victimes les professeurs. Est-ce que le ministère s’empare de ce phénomène de manière globale ?
Maxime Reppert
Il faut bien dissocier deux choses. Il y a des phénomènes de société qui ne sont pas, j’allais dire imputables à la politique éducative, des phénomènes qui nous dépassent : la place et le rôle des parents, la question des réseaux sociaux, beaucoup de choses. Et vous avez une politique éducative depuis plusieurs dizaineS d’années qui, j’allais dire, est en train d’être absolument catastrophique. On est face à une déstructuration du service public et plus spécifiquement de l’Éducation nationale et j’ai envie de vous dire la perte de vocation, le manque d’attractivité du métier, elle est à mettre en parallèle avec l’objectif de l’école. Quel est l’objectif de l’école ? Transmettre des savoirs, des savoir-faire, des connaissances et de former les citoyens de demain ? Ou alors, encore une fois, faire en sorte que tant de pourcentage d’élèves ait un diplôme et ensuite on ne veut plus regarder ? Voilà il y a deux problèmes dans l’Éducation nationale outre cette question de politique de moyens, vous avez le fait que l’Éducation nationale fonctionne comme une vitrine et veut parfois fonctionner comme une entreprise, alors que c’est un service public, ce qui n’est pas la même chose. Le 2e problème, c’est qu’il y a une forme de l’omerta qui règne notamment sur tout ce qui va être violence, violence physique, violence psychologique. Je rappelle que les enseignants font partie, probablement des seuls corps de métier où il n’y a pas de visite médicale obligatoire et régulière au cours de leur carrière.
Journaliste
Maxime Reppert, qu’est-ce que ça vous inspire ces mots du ministre de l’Éducation nationale ?
Maxime Reppert
De bons sentiments, je ne vais pas lui jeter la pierre, ce n’est pas lui que j’ai envie de mettre en cause, c’est la politique éducative qui a été menée depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies. Il N’y a jamais eu de remise en cause par rapport à ça. Moi, si vous voulez actuellement au bout de 15 ans d’ancienneté puisqu’on parlait de questions d’attractivité du métier, 15 ans de métier, je suis à 2000 €, 15 ans de métier bac plus 5. J’ai fait un master, j’ai fait 5 années d’études, j’ai payé mes années de fac, je me suis investi dans mon travail, au bout de 15 ans, le salaire de base c’est 2000€. Voilà, il faut se poser la question à un moment donné.
Journaliste
Je vous remercie. Maxime Reppert, secrétaire national aux conditions de travail pour le SNALC d’avoir été avec nous.