Un professeur d’histoire-géographie de Meurthe-et-Moselle a été menacé après qu’une mère d’élève ait accusé son cours sur les croisades de stigmatiser l’islam. Pour Solange De Jésus, présidente du SNALC Nancy-Metz, ces contestations d’enseignement se généralisent dangereusement. Elle rappelle que les programmes sont nationaux et laïcs, et que l’institution doit impérativement soutenir ses enseignants face à ces remises en cause inacceptables.
CNEWS – Thierry Cabannes
Je le disais, être enseignant, être professeur, aujourd’hui, en 2025, c’est un véritable sacerdoce, il faut vraiment le vouloir avec une nouvelle affaire. On va saluer Solange De Jésus, qui est présidente du SNALC pour l’Académie de Nancy-Metz, le Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur. Bonsoir Solange De Jésus, merci d’avoir accepté notre invitation. Je voulais absolument vous avoir parce qu’on va rappeler très rapidement, c’est l’histoire d’un professeur d’histoire-géographie qui est menacé dans une petite commune en Meurthe-et-Moselle. Et tout ça, pourquoi ? Parce que la mère d’un élève a estimé qu’il aurait stigmatisé, c’est bien cela, l’islam, les musulmans, lors d’un cours tout simple sur les croisades. On en est là, ma chère Solange De Jésus ?
SNALC – Solange De Jésus
C’est tout à fait ça, oui.
CNEWS – Thierry Cabannes
Qu’est-ce que ça vous inspire ?
SNALC – Solange De Jésus
Écoutez, déjà, j’aimerais exprimer tout le soutien du SNALC envers le collègue, parce que je suis moi-même professeure et je peux imaginer ce qu’il a dû ressentir. C’est tout à fait inacceptable, ce genre de contestation d’enseignement assortie de menaces, qui plus est. Donc nous, au SNALC, on condamne de tels agissements. Ce sont hélas des attitudes qui se généralisent, qui ne prennent pas toujours la forme de menaces, mais en tout cas c’est quelque chose que l’on constate, nous au SNALC.
Donc ce qu’il faut savoir, c’est que d’une part les programmes sont nationaux, parce que là le professeur faisait cours, c’est un professeur d’histoire comme vous l’avez dit, il faisait cours à des 5e suivant le programme qui est défini : chrétienté, islam. Et donc les programmes sont publiés, ils sont en ligne sur le site du ministère, tout un chacun peut aller voir, dont les parents. Et les enseignements sont donc laïcs, je tiens à le rappeler parce que c’est quand même très important. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que les enseignements sont déliés de toute croyance, de toute croyance religieuse notamment, que ce sont des enseignements vérifiés, et donc ce sont des savoirs universels, a priori acceptables par tous. Donc, quand des parents inscrivent leurs enfants à l’école publique laïque, ils souscrivent à cet enseignement. Ça, c’est très important. Sinon, ils ont la possibilité aussi d’inscrire leurs enfants dans des écoles privées confessionnelles. Et ça, c’est ce que permet la laïcité. Donc, voilà la première réaction que j’aurais.
Mais malheureusement, il y a beaucoup d’enseignants qui sont menacés. Depuis 2021, il y a des enquêtes qui ont été faites par l’IFOP. Il y a plusieurs enquêtes dont nous disposons. Depuis 2021, par exemple, il y a un quart des professeurs des écoles qui subissent ce genre de contestation d’enseignement, en tout cas qui déclarent l’avoir subi. Et aussi, 6 professeurs sur 10 qui déclarent avoir connu au moins une contestation d’enseignement.
CNEWS – Thierry Cabannes
Alors, on fait quoi, Solange De Jésus ? On fait quoi ?
SNALC – Solange De Jésus
Eh bien, on fait quoi ? Déjà, il faut absolument que l’institution soutienne ses enseignants. Ça, c’est impératif. C’est-à-dire que l’enseignant, c’est un expert de son métier, donc il n’a pas à être remis en question. Mais malheureusement, des années de pédagogisme et d’infantilisation des enseignants ont sapé l’autorité des enseignants. Alors, ce n’est pas que ce seul aspect-là qui est en cause, mais notamment. Et on en arrive à ces situations où certains parents, certains élèves, pas tous, fort heureusement, s’octroient le droit de venir contester les enseignements des professeurs.
Et donc, on fait quoi ? Il faut que la hiérarchie soutienne ses enseignants, c’est-à-dire tous les maillons de la hiérarchie.
CNEWS – Thierry Cabannes
Ce n’est pas toujours le cas, parfois, Solange. Excusez-moi, mais ce n’est pas toujours le cas. Il y a eu des précédents, vous le savez.
SNALC – Solange De Jésus
Malheureusement, oui, vous avez raison. Il y a eu des précédents. On connaît le drame qui est arrivé à Samuel Paty, mais il y a des faits, malheureusement, qu’on entend assez souvent et qui deviennent très fréquents. Donc, il faut que les professeurs soient accompagnés. Il faut aussi ne pas négocier sur ces choses-là. Je veux dire, il n’y a pas de discussion possible. Un enseignement, il est délivré, il doit être accepté par les parents. Et enfin, il faut aussi que tous les collègues soient solidaires, parce que la solidarité entre collègues, c’est très important. Et aussi, les parents, parce que quelle école voulons-nous pour demain ? Est-ce qu’on veut une école où sans cesse tout enseignement soit contesté ? Donc il faut vraiment que les parents aussi se mobilisent autour de cette question. L’école, c’est l’affaire de tous en fait. […]
CNEWS – Thierry Cabannes
Le mot de la fin, Solange De Jésus, un message, profitez-en, vous êtes en direct sur CNEWS.
SNALC – Solange De Jésus
Eh bien, écoutez, ce que l’on peut dire, je rejoins une de vos intervenantes qui parlait des valeurs. Donc ces valeurs que porte l’école sont souvent remises en question, notamment l’égalité homme-femme, la mixité ou la liberté de l’orientation sexuelle. On voit par exemple ce qui s’est passé à Rennes aussi avec un enseignant qui a été menacé par une famille parce qu’elle refusait que son élève fille soit enseignée par un homme. Donc il est très important de faire corps autour de l’école et donc que les enseignants soient soutenus et qu’ils ne se sentent pas seuls, vraiment soutenus de bout en bout. En tout cas, nous au SNALC, on sera là pour les accompagner.




