L’évaluation exclusive par compétences, c’est-à-dire sans notes en 6ème, a été imposée dans mon collège – en toute illégalité – il y a maintenant 5 ans.
Les arguments avancés étaient la cohérence dans le cycle 3 (car a priori les écoles du secteur évalueraient sans notes), la non-stigmatisation des élèves en échec scolaire mais aussi une meilleure estime de soi des élèves en général, l’absence de compétition et donc de mauvaise ambiance au sein des classes et enfin le progrès.
Chaque argument peut bien sûr trouver son contre-argument : la 6ème étant une classe du collège, les élèves doivent s’adapter au collège.
Les élèves en échec le sont aussi avec les compétences: là où ils avaient de faibles notes, ils obtiennent une pastille rouge ou un smiley mécontent. Comment l’estime de soi peut-elle s’en trouver améliorée ? Peut-être est-ce à cause du changement de curseur ? Là où les élèves avaient entre 5 et 14/20, ils ont « en cours d’acquisition » ou une pastille jaune…
La compétition peut être négative si elle est exacerbée mais elle peut aussi entraîner de l’émulation.
Enfin le mot « progrès » cache malheureusement bien des surprises. On l’utilise d’ailleurs faute d’arguments et pour contrecarrer la liberté pédagogique.
En 5 ans, je n’ai vu aucune amélioration dans les résultats de mes 5èmes (ex 6èmes), bien au contraire. L’absence du couperet de la note a engendré un relâchement du travail personnel car le 05/20 vaut le 14/20 (ECA).
Ironie de l’histoire les élèves de 5ème sont demandeurs et friands de notes et se placent eux-mêmes dans la compétition et/ou l’émulation, chacun cherchant à connaître celle de l’autre. De même, les parents lisent plus facilement les bulletins de notes. Déchiffrer le jargon pédagogique des compétences est déjà compliqué, alors ne pas savoir où situer son enfant dans une discipline ou une autre est frustrant.
Il y a d’autres moyens bien plus efficaces pour améliorer l’ambiance de classe et l’estime de soi. Mentir aux élèves sur leur vrai niveau sous couvert de bienveillance est contre-productif voire dangereux. La chute au lycée et dans le monde du travail n’en sera que plus dure.
Article paru dans la revue du SNALC, la Quinzaine universitaire n°1460 du 6 janvier 2022