Le président de la République esquisse ce qui pourrait être sa première proposition de candidat : lier la rémunération des enseignants à leur temps de travail. Emmanuel Macron fait référence à un rapport de la Cour des comptes publié mi-décembre. Les magistrats rappelaient alors que le temps d’enseignement hebdomadaire était passé, entre 1980 et 2020, de 27 à 24 heures.
Jean-Rémi Girard, président du SNALC, réagit sur B SMART.
Journaliste :
Selon vous, pourquoi en ce moment parle-t-on du temps de travail des enseignants ?
Jean-Rémi Girard :
En période d’élections, il faut parler à certaines catégories d’électeurs. Vu les très fortes mobilisations du 13 janvier dernier par exemple l’Éducation nationale, ce n’est pas impossible qu’on se dise dans le parti de la République en marche que le vote enseignant n’est pas du mieux parti. Il y a donc peut-être d’autres catégories de votes à récupérer, à savoir les votes des citoyens qui aiment bien taper sur les enseignants. C’est peu probable qu’en parlant de ce sujet du temps de travail qu’il récupère le vote des enseignants. Ce qui ressort des enquêtes internes du ministère de l’Éducation nationale est que les enseignants travaillent de plus en plus, que le métier est de moins en moins attractif et valorisé dans la société.
[…]
Jean-Rémi Girard :
Oui les chiffres se rapprochent de ceux cités. Le temps d’enseignement peut évoluer, il n’a pas trop évolué dans le second degré. Il a plutôt baissé dans le premier degré. Pour l’enseignant, ce n’est pas vraiment une baisse du temps de travail parce que les heures en moins devant élèves ont été converties en autre chose : ce sont les fameuses 108 heures dans le premier degré où l’on est supposé faire de la formation, des réunions, de l’accompagnement des élèves où on les retrouve aussi. En fait ces fameuses 108 heures sont un forfait qui est explosé par les enseignants ; ils le dépassent très largement. À l’arrivée, on a un métier où la réunionnite nous a très clairement gagné dans l’Éducation nationale. Nous avons des temps de préparation, de correction qui parfois s’allongent, qui peuvent être variables suivant de nombreux de paramètres qu’il est très compliqué de distinguer : l’âge, l’ancienneté dans le métier, la discipline enseignée parfois aussi. Globalement, ce que l’on peut constater, c’est que les enseignants travaillent beaucoup, que dans le second degré, sur le seul temps d’enseignement, on est globalement dans la moyenne de l’OCDE et même nettement au-dessus dans le premier degré. Il n’y a pas forcément besoin de rajouter du temps de travail aux enseignants d’autant que la rémunération à l’heure n’est pas très élevée.
[…]
Journaliste :
Si cela existe, pourquoi parle-t-on des heures supplémentaires ?
Jean-Rémi Girard :
Car il y a toujours cette idée du travailler plus pour gagner plus. C’est une idée qui n’est pas nouvelle, car il y a toujours ce présupposé, ce cliché que l’enseignant ne travaillerait pas assez. Et que s’il veut être mieux payé, car il n’est pas bien payé, il n’a qu’à bosser davantage. Néanmoins on se rend bien compte qu’on a du mal à recruter des enseignants. C’est un métier qui n’est pas parmi les plus attractifs aujourd’hui, alors que nous pourrions le penser, surtout dans la situation que nous vivons depuis deux ans. Ce métier de la fonction publique permet la sécurité de l’emploi, les vacances scolaires, cela a l’air formidable ! Il n’y a pas grand monde qui a envie de faire ce métier aujourd’hui surtout quand on fait la balance avantages-inconvénients, elle penche de plus en plus du côté des inconvénients.
Journaliste :
Parce que travailler plus pour gagner plus comme vous le dites, ce volant d’heures supplémentaires s’accompagne de primes au mérite, plus on travaille, plus on sera rémunére. Comment ça marche exactement ?
Jean-Rémi Girard :
C’est très intéressant car c’est déjà le cas. Si un enseignant veut faire 5 heures supplémentaires à partir du moment où il y a des heures supplémentaires et généralement il y en a dans un établissement, il peut les faire. Ça arrange le système car on a une tendance assez forte, comme on a du mal à recruter des enseignants, à augmenter les volants d’heures supplémentaires et à essayer de caler plus d’heures supplémentaires par enseignants. C’est vraiment quelque chose qui, dans les fameuses dotation globales horaires dont parlait Jean Klein est une évolution qu’on constate très clairement. Il y a cette idée qu’il faudrait aller plus loin, que des enseignants voudraient en faire davantage, mais où trouve-t-on ces enseignants ? Je vois surtout des enseignants très chargés, très occupés, très consciencieux dans leur travail et qui sont même souvent à la limite de la rupture.