Une professeure d’arts plastiques a été victime d’un empoisonnement à l’occasion d’un goûter de fin d’année.
Maxime Reppert, vice-président du SNALC était en direct sur BFMTV le 22 décembre 2023.
BFMTV – Olivier Truchot
Maxime Reppert est vice-président du syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur. On se pose la question, j’imagine que vous vous la posez. Qu’est-ce qui se passe dans la tête de ce collégien de troisième qui met un produit détergent dans le gobelet de sa professeure d’art plastique ?
SNALC – Maxime Reppert
Oui, naturellement, je me pose cette question. Je m’interroge aussi sur l’accumulation d’incidents de ce type dans notre pays et sur la détérioration très nette du climat scolaire. J’aimerais simplement dire, par rapport à ce que j’ai entendu il y a quelques minutes, qu’il ne peut pas s’agir d’une mauvaise blague. Si on prend les faits : factuellement, on a essayé d’empoisonner une enseignante, donc pour moi, pour nous, pour le SNALC, clairement, on est bien au-delà de la blague, mais plutôt face à une tentative d’homicide.
BFMTV – Olivier Truchot
Il ne faut pas minimiser. Parler de mauvaise blague, c’est une erreur.
SNALC – Maxime Reppert
Ah, mais totalement, puisqu’à partir du moment où on parle d’une mauvaise blague, comprenez bien qu’on minimise la portée du geste, on minimise les conséquences et surtout, on bafoue la victime.
BFMTV – Olivier Truchot
Mais que risque-t-il, ce collégien ? On a entendu le ministre Gabriel Attal qui a réagi, qui dit qu’il y aura bien sûr un conseil de discipline, mais à la rentrée. Bon, cela n’ira pas plus loin ?
SNALC – Maxime Reppert
De toutes les façons, il y aura deux volets. Il y a tout d’abord le volet interne, donc le conseil de discipline, et puis naturellement la plainte qui a été déposée par notre collègue, que le SNALC soutient. Cette plainte aura des portées juridiques, judiciaires, et donc il faudra voir à l’issue de cette plainte quelles seront les conséquences judiciaires pour cet élève.
BFMTV – Olivier Truchot
Vous vous interrogez, Maxime Reppert, sur ce qui se passe aujourd’hui. Pourquoi cette accumulation ? Comment expliquez-vous justement cette accumulation de faits qui touchent à des degrés divers, du plus dramatique jusqu’à ce que l’on vit aujourd’hui, dans le monde de l’enseignement et notamment les profs en particulier ?
SNALC – Maxime Reppert
Je pense que c’est plurifactoriel. Il y a plusieurs choses à prendre en compte. Tout d’abord, il y a une forme de banalisation de la violence en milieu scolaire. Le SNALC alerte depuis plusieurs années sur l’amplification de ce phénomène. Aujourd’hui, nous en voyons les conséquences. Il y a aussi, je pense, une détérioration très sévère de l’image du métier d’enseignant et des conditions de travail des enseignants de façon générale. Il y a une perte de sens du métier, une forme de violence exercée par certains élèves et certains parents vis-à-vis des personnels de l’Éducation nationale. Donc, quelque part, ce cocktail fait que depuis plusieurs jours, plusieurs semaines, plusieurs mois, nous assistons chaque jour à quelque chose de différent, mais toujours aussi dramatique.
Et il faut arrêter aussi avec le “pas de vague” ou le fait de minimiser sous prétexte que ce sont des mineurs.
BFMTV – Olivier Truchot
Ce collégien sera sans doute exclu de son établissement, mais on sait aussi qu’il sera donc dans un nouveau collège. Il y a une obligation de scolariser les jeunes jusqu’à 16 ans. Les profs ne seront d’ailleurs pas forcément informés dans son nouveau collège de ce qu’il a fait.
SNALC – Maxime Reppert
C’est dramatique, parce qu’il y a un très grand problème dans notre pays concernant la circulation de l’information, notamment au sein du monde enseignant et au sein plus largement des personnels de l’Éducation nationale. On en parle pour cette histoire-là. On en a parlé également concernant l’assassinat de notre collègue Agnès Lassalle en février dernier, par rapport à l’état du jeune qui l’a tuée. On en a parlé aussi concernant la mort de notre collègue Dominique Bernard, également à l’époque, et celle de Samuel Paty, justement sur la question de la circulation de l’information. Et effectivement, à un moment donné, nous sommes livrés à nous-mêmes dans l’ignorance, et cette ignorance nous met en danger, en insécurité. Le SNALC demande régulièrement lorsqu’il y a des problèmes importants accumulés dans des établissements, des enquêtes administratives à l’image, par exemple, de ce qui s’est passé il y a quelques semaines à la cité Kléber à Strasbourg. D’ailleurs, nous avons obtenu très récemment gain de cause, puisque grâce à notre interpellation, le recteur de l’Académie de Strasbourg a diligenté une enquête administrative au sein de cette cité. Donc il ne faut rien lâcher, il ne faut pas minimiser les faits, il faut agir et réagir.
BFMTV – Olivier Truchot
Est-ce que vous pensez qu’aujourd’hui, notamment sur le fait que certains élèves passent à l’acte ou tentent de passer à l’acte, les réseaux sociaux ou les groupes de discussion entre élèves ont une influence, une mauvaise influence ?
BFMTV – Olivier Truchot
Bien entendu, il y a cette influence-là. Bien entendu aussi, cette question des réseaux sociaux dépasse allègrement la sphère de l’Éducation nationale. Et derrière, il faut aussi, je pense, peut-être responsabiliser davantage sur ce qui se passe au niveau de la cellule familiale. Effectivement, les parents doivent être conscients justement de ces enjeux liés à l’utilisation des réseaux sociaux, parce qu’en l’état, je vous le dis, l’école ne peut pas tout faire et surtout, elle n’a pas les moyens de tout faire.
BFMTV – Dominique Rizet
Monsieur Reppert, vous avez bien compris que “mauvaise blague” n’est pas un de mes propos, ce sont des propos que je répète. Moi, je voulais vous dire qu’il va y avoir une plainte déposée par la professeure, par l’académie également. Donc, il y a l’aspect scolaire à la rentrée avec un conseil de discipline. Il y aura aussi un aspect judiciaire. Si une information est ouverte, un juge sera désigné, ça s’appelle une tentative d’empoisonnement.
BFMTV – Olivier Truchot
Mais que risque-t-il en tant que mineur ?
BFMTV – Dominique Rizet
Déjà, avec l’excuse de minorité, la peine est divisée en deux. Donc la peine maximale pourrait être de 10 ans, mais il ne sera jamais condamné à de la prison et jamais à 10 ans. Parce qu’évidemment, l’argument de son avocat, ce sera de dire que ce produit, pour nettoyer le tableau où il était là, il l’a pris, il a mis trois pschits dans le verre, il l’a donné au professeur, ce n’était pas intentionnel, ce n’était pas prémédité, etc. Il voulait juste la voir faire la grimace. Et je reviens sur, pardon, encore une fois, ne l’interprétez pas mal, la “mauvaise blague” qui sera évoquée, ce sera la défense. Et donc, il ne se passera pas grand-chose.
BFMTV – Olivier Truchot
Comment réagissez-vous à cela ?
SNALC – Maxime Reppert
Oui, mais comprenez bien qu’on entend ce genre de choses-là. Et ce ne sont pas vos propos, j’ai bien compris, c’est la justification avancée par l’élève. On ne peut pas s’étonner après qu’il y ait une forme de développement d’un sentiment d’impunité chez les élèves qui se disent : “Moi, de toutes les façons, je peux menacer de mort mon prof, ma prof, je peux lui mettre du détergent dans sa boisson, je peux donner des coups, etc. Et puis derrière, je ne risque rien”, vous comprenez ce que je veux dire ? En minimisant, en disant que ce sont des jeunes, une gamine de 12 ans qui arrive avec un couteau pour dire qu’elle va tuer son enseignante, ce n’est pas quelque chose d’anodin.
BFMTV – Olivier Truchot
Oui, alors vous attendez quoi justement ? Vous demandez de la fermeté ? Que cesse le pas de vague ? Qu’est-ce qu’on doit faire avec cette gamine de 12 ans, ou ce collégien, si la tentative d’empoisonnement ou l’homicide est retenue ? Enfin, qu’il aille en prison ?
SNALC – Maxime Reppert
Je ne vais pas me substituer à un juge ou à un procureur, ou je ne sais quoi. Ce que je peux vous dire, c’est qu’effectivement, il y aura un conseil de discipline. Ce conseil de discipline pourrait aboutir à une exclusion, mais l’exclusion seule n’est pas la solution. C’est-à-dire que derrière, il faudra qu’il y ait un suivi, un suivi avec l’élève, un suivi aussi naturellement avec la famille, pour que justement ce genre d’incident, ce genre d’agression ne se renouvelle pas ailleurs, parce qu’autrement, ce sera juste déplacer le problème.
BFMTV – Olivier Truchot
Merci, Maxime Reppert, vice-président du SNALC, le syndicat national des lycées, collèges, écoles et du Supérieur.