Proposition de loi visant à intégrer les AESH dans la fonction publique d’Etat
et à garantir une meilleure inclusion des élèves en situation de handicap et à besoins éducatifs particuliers
Audience du SNALC par le Sénat - Jeudi 11 décembre 2025
Sommaire
1. Pouvez-vous rappeler rapidement les conditions actuelles de travail des AESH et l’évolution de ces conditions ces dernières années ?
Depuis le 1er septembre 2019, les AESH sont recrutés en CDD de 3 ans, puis, si la valeur professionnelle et la manière de servir sont jugées satisfaisantes, sont renouvelés en CDI à l’issue de ces 3 années (contre 6 ans en CDD avant le 1er septembre 2023 – loi 2022-1574 du 16 décembre 2022 – dite loi Victory).
Toutefois, en CDD ou en CDI, les 140 000 AESH restent des contractuels alors que leurs emplois correspondent à des besoins permanents. Elles et ils exercent un vrai métier, leurs missions sont pérennes et elles et ils sont de facto un maillon essentiel de l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap (ESH). Sans AESH = pas d’inclusion pour la quasi-totalité de ces ESH !
Ce véritable métier souffre d’un manque d’attractivité car les rémunérations sont trop faibles, notamment en raison des temps incomplets (à peine 1000 € net par mois pour la plupart des AESH à 24 heures hebdomadaires, soit une quotité travaillée de 62%), les conditions de travail épuisent les AESH, la formation est nettement insuffisante, les perspectives d’évolution très faibles, la mobilité géographique (changement de PIAL) très difficile à obtenir…
Ce manque d’attractivité génère une pénurie d’AESH (qui se traduit par une absence d’accompagnement ou un accompagnement insuffisant des ESH) ainsi qu’une charge de travail pour chaque AESH bien trop lourde, ce qui nuit à la qualité de l’accompagnement, et qui ne cesse de croître au fil des années…. Les AESH s’occupent de plus en plus d’élèves avec des troubles du comportement voire des troubles psychologiques. Ces élèves sont souvent imprévisibles, ce qui met en danger la santé mentale et physique des AESH et autres personnels, dont les enseignants.
On assiste donc à une crise quantitative qui s’est transformée en une crise qualitative au fil du temps. Ces deux crises ne cessent de s’aggraver et ont désormais tendance à s’auto entretenir !
Le turn over est très important parmi les AESH : démissions, licenciements pour inaptitudes, ruptures conventionnelles sont de plus en plus nombreux.
Enfin, les PIAL sont à l’origine des changements de lieux d’exercice et/ou d’emploi du temps très fréquents et sans délai de prévenance pour les AESH qui se retrouvent corvéables à merci et qui sont contraints d’avoir au moins un second emploi pour arriver à un salaire correct). Par ailleurs, dans ces cas-là, les frais de déplacements occasionnés souvent laissés à la charge de l’AESH alors que sa rémunération est déjà très faible. Enfin, l’accompagnement mutualisé est devenu la règle, faisant perdre beaucoup de sens à leur fonction, à savoir conduire l’ESH vers l’autonomie.
En effet, certains AESH accompagnent jusqu’à 12 élèves par semaine (on peut même trouver plus – On a des cas dans l’Hérault !) et certains AESH accompagnent jusqu’à 6 ESH pendant une heure de cours dans la même classe. On arrive à des situations ingérables aussi bien pour les AESH que pour les enseignants et les élèves. L’efficacité de l’accompagnement est alors réduite à peau de chagrin… Le SNALC défend l’accompagnement individualisé.
2.L’intégration des AESH dans la fonction publique vous paraît-elle répondre à leurs attentes ?
Le statut de fonctionnaire pour les AESH revêtirait à la fois une dimension socioéconomique et une dimension éducative.
En effet, la titularisation permettrait une sortie de la précarité pour ces personnels recrutés sous contrat (3 ans de CDD avant un éventuel CDI), avec des salaires très faibles, en raison notamment des temps incomplets, alors qu’ils effectuent des missions pérennes (ou occupent des emplois permanents).
Par ailleurs, ces collègues pourraient avoir accès à une véritable formation pour accomplir leurs missions d’accompagnement rendant l’inclusion scolaire plus efficace.
Le SNALC est tout-à-fait d’accord avec cette proposition de loi (PPL) puisque nous revendiquons un statut de fonctionnaire d’Etat de catégorie B pour les AESH et puisque cela correspond parfaitement à l’attente de ces personnels.
L’article 1 laisse beaucoup de points à préciser, points qui relèvent du réglementaire (ORS, grille indiciaire, revalorisation, mobilité…). Des discussions seront alors nécessaires pour la rédaction de futurs décrets et arrêtés si cette loi est adoptée.

La durée hebdomadaire du travail ne peut pas, contrairement aux autres agents de catégorie B, être de 35 heures, en raison du travail « invisible » ou temps de travail en sus du temps d’accompagnement en classe. Pour le SNALC, 24 heures hebdomadaires d’accompagnement doivent correspondre à un service à temps complet.
Pour la titularisation, le SNALC demande la prise en compte des parcours antérieurs des AESH déjà recrutés, ce que permet effectivement la validation des acquis de l’expérience (VAE). Par ailleurs, les AESH les plus expérimentés, notamment en CDI, n’ont peut-être pas besoin d’une formation aussi lourde et aussi longue que les AESH recrutés par concours.
La titularisation permettrait de supprimer le cumul d’emplois qui ne relève pas d’un choix mais d’une obligation pour les AESH, étant donné l’indigence de leur rémunération.
La titularisation assurerait également la subrogation pour les AESH, comme pour tous les autres fonctionnaires, en cas de congés maladie ou maternité. Par les trop perçus qu’elle génère et qu’il convient de rembourser, l’absence de subrogation peut être extrêmement problématique financièrement pour les AESH contractualisés.
3. Dans le cadre d’un recrutement par concours, sur quoi doivent selon vous porter les épreuves ?
Des cours sur le développement de l’enfant et de l’adolescent.
Connaissance large des handicaps et des troubles du comportement, connaissances pointues des règles d’hygiène et de sécurité.
Cours sur la bienveillance, sur la gestion des crises et plus largement sur l’analyse des situations (Cas concrets ou mises en situation pour être en mesure de répondre de manière appropriée).
Des cours sur les différences entre PPS, PAP, PAI…, l’aide à l’autonomie, la posture professionnelle des AESH et le cadre juridique de l’inclusion scolaire.
Des épreuves théoriques (reposant sur des connaissances, donc plutôt à l’écrit) mais aussi des épreuves pratiques.
On se rapproche des contenus dispensés aux éducateurs spécialisés.
4. L’article 3 prévoit qu’en cas de construction ou de réhabilitation d’un bâtiment scolaire, l’organe délibérant de la collectivité compétente se prononce sur la mise à disposition d’un local adapté aux différents dispositifs nécessaires à l’accueil des élèves en situation de handicap ou à besoins éducatifs particuliers.
a. À votre connaissance, de tels locaux existent-ils déjà dans certains établissements scolaires ? Y a-t-il des réflexions en ce sens (par exemple un espace libéré à la suite d’une fermeture de classe dans un contexte de déprise démographique)
Oui, il y a quelques années, dans une école de l’académie de Montpellier, des salles étaient réservées ou dédiées à des élèves ayant des troubles des fonctions motrices (beaucoup de rééducation à l’école). Mais à notre connaissance, ce dispositif n’existe plus aujourd’hui dans cette école, d’autant plus que le nombre d’élèves concernés est très faible.
Par ailleurs, dans les dispositifs ULIS, des espaces peuvent être aménagés pour les élèves autistes.
Il est bien évident que le bâti doit s’adapter aux besoins des ESH et au-delà aux EBEP afin de permettre une véritable inclusion.
Toutefois, la mise à disposition de locaux dédiés à l’inclusion dans toutes les écoles et dans tous les collèges et lycées pourrait d’une part être limitée si la mesure n’est pas contraignante (notamment en zone rurale, avec des possibilités budgétaires moindres) et d’autre part s’avérer problématique dans les bâtiments qui existent déjà (réhabilitation possible ou pas ?) par rapport aux constructions à venir de nouvelles écoles et nouveaux établissements, ce qui risquerait in fine de générer des inégalités supplémentaires.
5. L’article 2 porte sur la langue française parlée complétée. Avez-vous été alertés sur des difficultés au regard de l’utilisation de cette langue ?
Nos retours sont plutôt positifs mais jusqu’à maintenant les formations concernant cette langue française parlée complétée n’étaient pas vraiment proposées aux AESH. Il s’agit de formations sur plusieurs journées (voire quelques semaines). Et une fois acquise, comme toute langue, il faut surtout une pratique régulière pour ne pas perdre la maîtrise de cette compétence.
Langue mobilisée par les accompagnant(e)s, les autres élèves et tous les tiers (parents, professeurs…) qui doivent échanger avec les élèves ayant des déficiences auditives.
6. Quel regard portez-vous sur cette proposition de loi et quelles seraient vos propositions de modification ?
Cette proposition de loi, si elle est adoptée, serait enfin la reconnaissance du métier d’AESH : un statut de la fonction publique, une rémunération correcte permettant de vivre de sa fonction, des perspectives de carrière et de mobilité, l’accès à de nouveaux droits (une retraite de fonctionnaire notamment) et plus largement un meilleur respect des droits des AESH et une gestion nationale de ces personnels.
Il conviendrait d’ajouter les APSH (accompagnants des personnels en situation de handicap) dans la PPL, personnels si souvent oubliés dans les textes juridiques, ce qui pose problème sur le terrain pour faire valoir leurs droits alors qu’ils assurent la même fonction.
Beaucoup de points de cette PPL méritent des précisions, en commençant par la VAE : de quelle VAE s’agit-il ?
Par ailleurs, le terme VAE n’apparaît pas dans la PPL. On le trouve uniquement dans l’exposé des motifs, ce qui interroge le SNALC.
Il en est de même pour le concours. Quelles seront les conditions à satisfaire pour se présenter à ce concours ou aux concours dans l’hypothèse où il en existerait plusieurs. Une AESH n’ayant pas été titularisée par VAE pourrait-elle obtenir la titularisation par concours ?

Toutes les modalités de la VAE et de ce concours ou de ces concours restent donc à définir.
Dans l’article 1, point I, 2e alinéa, le SNALC demande la suppression « du temps périscolaire et, le cas échéant, lors de leur accueil à l’internat » dans la phrase suivante : « Les accompagnants des élèves en situation de handicap exercent des fonctions d’aide et d’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap pendant le temps scolaire, la pause méridienne, le temps périscolaire et, le cas échéant, lors de leur accueil en internat. »
Par ailleurs, la formulation « d’aide et d’inclusion » n’est pas correcte. Il faudrait écrire « d’aide à l’inclusion », conformément à l’article L 917-1 du code de l’éducation.
Pour le SNALC, la formulation doit donc être la suivante : « Les accompagnants des élèves en situation de handicap exercent des fonctions d’aide à l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap pendant le temps scolaire et la pause méridienne. ».
Dans l’article 1, point I, 4e alinéa, l’affectation dans l’un des départements de l’académie au sein de laquelle le concours a été organisé nous interroge : quels seront les critères d’affectation retenus et cette affectation ne concernera-t-elle que l’année de stage (car on suppose que l’AESH lauréat d’un concours de recrutement sera stagiaire pendant une année scolaire), c’est-à-dire uniquement l’année scolaire après l’obtention du diplôme. Y aura-t-il, pendant cette année de stage, un mouvement inter-académique et/ou un mouvement intra-académique ?
On suppose que le 5e alinéa de l’article 1, point I « Les accompagnants des élèves en situation de handicap bénéficient d’une formation théorique et pratique dispensée dans un établissement d’enseignement supérieur, préalablement à leur entrée en fonction. » ne concerne que les AESH recrutés par concours.
Pour le SNALC, les AESH titularisés par VAE ont besoin d’une formation théorique et pratique moindre.
Dans le 6e alinéa de l’article 1, point I « Dans chaque département, le directeur académique des services de l’éducation nationale désigne, parmi les accompagnants des élèves en situation de handicap répondant à des critères d’expérience fixés par arrêté, un ou plusieurs référents chargés de fournir à d’autres accompagnants des élèves en situation de handicap un appui dans leurs missions auprès des élèves en situation de handicap. », pour le SNALC, seuls les AESH volontaires pourront être désignés pour occuper les fonctions d’AESH référent.
Dans le II de l’article 1, les mêmes conditions de rémunération pour les AESH en CDI que les fonctionnaires titulaires posent problème au SNALC. Comment justifier que des AESH contractuels perçoivent la même rémunération que des AESH recrutés par concours ? La réussite à un concours doit donner une plus-value en termes de rémunération.
Conclusion
Pour conclure, le SNALC revendiquant la création d’un statut de fonctionnaire de catégorie B pour les AESH ne peut que se réjouir de cette proposition de loi.
Dans l’hypothèse où elle serait adoptée, les modalités de la titularisation (VAE / concours) devront faire l’objet de discussions avec les OS représentatives, dans le cadre du dialogue social, afin que l’accès au statut de fonctionnaire s’effectue dans les conditions les plus justes pour tous.
Quant aux articles suivants de la proposition de loi (articles 2 et 3), les mesures proposées traduisent une volonté d’améliorer l’inclusion des ESH et plus largement des EBEP, ce que ne peut qu’approuver le SNALC.





