Dossier du mois de la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1506 du 31 octobre 2025.
Sommaire
MOBILITÉ : UN ENJEU D’ATTRACTIVITÉ
Dans le contexte actuel de crise d’attractivité des métiers de l’Éducation nationale, la mobilité est un enjeu central de la politique de gestion des ressources humaines. En effet, en l’absence de perspective de revalorisation et d’amélioration des conditions de travail, la réforme du système des mutations -souvent perçues comme un facteur de démotivation, pourrait bien apparaître au Ministère comme le dernier levier stratégique d’action possible – a priori sans incidence financière – en faveur de l’attractivité du métier.
Rappelons que selon les articles L511-3 et L511-4 du CGFP, la mobilité est un droit reconnu à chaque fonctionnaire. Or, dans les faits, ce droit demeure très inégalement exercé. Ainsi en 2024, seuls 20,73 % des 15 390 candidats à mutation interdépartementale du premier degré ont-ils obtenu un de leurs vœux tandis que 42,2 % des 13 642 postulants du second degré ont vu leur demande aboutir au mouvement interacadémique. Ces derniers chiffres masquent de très fortes disparités : les titulaires d’Île-de-France représentaient à eux seuls 50,7 % des demandes de mutation interacadémique, signe que leur première affectation, à l’issue du stage, n’avait pas été un véritable choix.
En matière de mobilité, les situations personnelles sont diverses autant que les conseils dispensés. Ainsi, fort de son expérience le SNALC ne proposera-t-il pas la même stratégie au stagiaire appelé à participer au mouvement pour une première affectation, au professeur chevronné songeant à terminer sa carrière dans une académie ensoleillée en vue d’une prochaine retraite ou enfin au candidat au retour dans sa région d’origine et/ou au rapprochement de ses attaches familiales
Saison du mouvement interacadémique oblige et en complément du supplément joint à ce numéro, qui en détaille les aspects techniques, le SNALC vous propose son analyse et ses propositions sur le mouvement du second degré fondées sur les bilans des dernières années et sur notre expérience de terrain.
LES GRANDS PRINCIPES DU MOUVEMENT
Pour les enseignants du second degré, le mouvement constitue le principal mode d’affectation. Officiellement intitulé « processus de mobilité » ou plus familièrement « les muts », il est annuel et se déroule en deux phases : interacadémique et intra-académique. On distingue aussi deux catégories de participants:
- Les participants obligatoires : Il s’agit de la plupart des stagiaires du second degré tenus de participer aux deux phrases, de la plupart des personnels réintégrés, des personnels ayant perdu leur poste et de ceux qui sont en affectation à titre provisoire qui participent à la deuxième phase. Notons que ces participants obligatoires, mutés en quasi-totalité, améliorent au passage les statistiques du ministère dans la partie « personnels mutés » (et considérés par défaut comme satisfaits !)
- Les participants volontaires : Ce sont les collègues en poste qui demandent une mutation quelle qu’en soit la raison. Ils conservent leur poste s’ils n’obtiennent pas satisfaction.
La formulation des vœux des participants obligatoires requiert d’autant plus d’attention qu’ils « sont soumis à extension » : la nécessité de leur attribuer un poste à l’issue du mouvement implique que l’administration, faute de vœux suffisants permettant de les affecter, procède elle-même à l’affectation « par extension » après le dernier vœu formulé. Dans ce type de situation, il est particulièrement recommandé de ne pas se priver des conseils personnalisés du SNALC !
Étant donné l’ampleur du mouvement, un barème est utilisé pour départager les candidats. Les éléments pris en compte sont l’ancienneté, l’expérience, les priorités légales, mais aussi des points attribués pour favoriser certaines affectations (certains DOM à l’interacadémique, le réseau d’éducation prioritaire ou l’affectation des professeurs agrégés en lycée à l’intra par exemple).
Ces dernières années toutefois, outre le détachement qui ne nécessite pas de se référer à un barème, le Ministère a multiplié les dispositifs permettant de le contourner tels que les mouvements spécifiques ou le dispositif Pop.
DÉCODER LES INFORMATIONS
Dans un souci de transparence affiché mais très mal assumé, le Ministère et les académies publient sur leurs sites des « barres » annuelles.
Vous trouverez en ligne celles que le SNALC a rassemblées : https://snalc.fr/mouvement-inter-2026
Quelques clés de compréhension :
- NC : Non Communiqué. Ce sigle signifie qu’un unique candidat est entré et que son barème pourrait révéler des informations personnelles (ex : handicap, rapprochement de conjoint…).
- Un tiret (-) indique qu’il n’y a pas eu d’entrée.
Le barème indique le nombre minimal de points pour entrer dans une académie. Or, à elle seule, cette information n’est pas suffisante. Ainsi, le barème le plus bas – soit 14 points – ne signifie pas que ces 14 points étaient le sésame pour entrer, mais seulement que le dernier entrant disposait de ce barème. À égalité de points, il a peut-être fallu départager les derniers candidats à cette académie, non plus en fonction de l’âge considéré aujourd’hui comme discriminant, mais au hasard.
En effet, il convient aussi et surtout, pour mieux saisir le poids du barème, regarder à la loupe le nombre d’entrants, de sortants et le nombre total de demandes et surtout l’évolution sur plusieurs années pour une académie considérée.
Prenons quelques exemples sur une discipline à fort effectif, les mathématiques en collège et lycée.
Il fallait 14 points en 2025 pour entrer dans l’académie d’Amiens, soit le plus faible barème et souvent en extension, contre 34 points en 2024. Cette baisse s’explique par un nombre d’entrants plus élevé : 70 en 2025, contre 34 en 2024.
A contrario, la stabilité du nombre d’entrants (entre 87 et 90) dans l’académie d’Orléans-Tours ces trois dernières années justifie la stabilité de la barre d’entrée à 24 points.
C’est ce qui explique aussi que des académies à petit flux, telles que Limoges, voient leurs barres fluctuer fortement : 5 entrées et 492,2 points en 2025 et 14 entrées pour 245 points en 2024. Lors d’une demande de vœux, rien n’est donc jamais acquis, mais rien n’est perdu non plus ! Certains candidats à l’académie de Toulouse en 2025 ont dû être agréablement surpris de voir son accessibilité passer de 441,2 et 474,2 points les années précédentes à 321,3 points !
Comment ce nombre d’entrants, si déterminant est-il établi ? Dans un premier temps, l’académie formule une demande chiffrée dans une discipline ou un corps. Ce chiffre évolue pendant le mouvement en fonction des demandes de sorties pour une autre académie ; ainsi la compensation des départs se traduit-elle par des entrées nouvelles. Ce sont donc les académies les moins demandées qui voient leur nombre d’entrants augmenter au cours du mouvement.
Le mouvement fourmille de ce type de subtilités. N’hésitez pas à solliciter l’expertise du SNALC pour mieux interpréter les données brutes communiquées par le Ministère !
LA COURSE AUX POINTS
Chaque année, les barèmes du mouvement interacadémique s’envolent un peu plus au point que malgré un coquet barème de milliers de points, certaines mutations demeurent parfois impossibles. C’est le cas par exemple à La Réunion où il est désormais rare de pouvoir muter avec moins de 1000 points ; un certifié ou un agrégé d’espagnol pouvait obtenir cette académie avec 1274,3 points en 2023 ; 1750,2 en 2024 et il n’aurait pas pu entrer en 2025 où il n’y a eu aucune entrée !
Ainsi, les académies de l’ouest et du sud de la France ainsi qu’une partie de l’outre-mer sont-elles devenues quasiment inaccessibles pour de nombreux personnels selon leur discipline et leur corps.
Cette hausse des barres s’explique en partie par le déséquilibre entre l’offre et la demande. Le problème, déjà ancien, n’a fait que s’aggraver ces dernières années avec la diminution des postes ouverts liée à la baisse démographique, le recours de plus en plus important aux professeurs contractuels et l’allongement de la durée des carrières : les enseignants restent plus longtemps sur leur poste ou formulent une demande de mutation plus tard, avec davantage d’ancienneté qu’autrefois.
Pour l’outre-mer, la bonification concernant le CIMM (centre des intérêts matériels et moraux), une des priorités légales, explique aussi cette inflation, mais pas à elle seule. Ainsi en 2024, 1754 candidats du second degré ont demandé un DOM. 400 ont été mutés sur leur premier vœu. Parmi eux, 163 ont bénéficié des 1000 points liés au CIMM avec une forte disparité : 85% des entrants en en Martinique bénéficiaient du CIMM, 70% en Guadeloupe, 51% à La Réunion. En Guyane et Mayotte, le CIMM n’avait pas la même importance, n’ayant été utilisée que par 4 et 7 % des entrants. C’est dire que selon le corps et la discipline, le CIMM était nécessaire mais pas toujours suffisant et qu’il devait donc parfois se cumuler avec des bonifications familiales et/ou une bonification liée au handicap.
Le recours aux bonifications liées au handicap (de 100 à 1000 points dans le second degré) est ambivalent. Ces bonifications ne sont pas accordées à la légère. Elles attestent aussi d’une réalité que le Ministère ne veut pas toujours voir de la réalité d’un métier toujours plus éprouvant pour des personnels qui finissent par souffrir physiquement de l’éloignement de leur famille. Or, seuls 56, 9 % des bénéficiaires des 100 points liés au handicap obtiennent satisfaction, souvent d’ailleurs grâce à d’autres éléments de barème. La bonification de 1000 points, perçue comme arme fatale de la mutation, permet certes à 93,6% des candidats de muter. Mais sachant qu’elle vient souvent s’ajouter à d’autres éléments importants de barème, cela signifie tout de même qu’elle laisse 6,4 % de ces personnels sur le carreau.

Bref, sous l’effet de priorités certes légitimes, les barres augmentent de telle sorte qu’un célibataire en relative bonne santé ou même un couple de professeurs affectés dans la même académie risquent fort de ne jamais obtenir la mutation rêvée surtout si elle se situe dans les académies repérées comme les plus difficiles d’accès soit –sans sur
prise – l’outre-mer, l’ouest et le sud de la France avec en vedettes Bordeaux, Rennes, Montpellier, Toulouse.
Ce blocage du mouvement entraîne une grande souffrance parmi les personnels. Certains collègues finissent par démissionner ou par envisager des choix douloureux. Chaque année, des couples s’imposent une séparation géographique temporaire avec leur conjoint en espérant bénéficier plus tard de points de séparation. Mais cette stratégie collective peut aussi faire monter les barres… La déception est immense pour ceux qui, après de tels sacrifices, n’obtiennent toujours pas leur vœu. Les familles séparées pendant plusieurs années, parfois d’un bout à l’autre de la France ou entre la métropole et l’outre-mer, illustrent l’ampleur des souffrances engendrées par un système devenu inhumain.
CONTRACTUELS : ÉVALUER LES CONSÉQUENCES DE LA TITULARISATION
Le SNALC soutient par principe les personnels contractuels qui aspirent à la titularisation. Il ne manque pas néanmoins d’attirer leur attention sur les conséquences en matière d’affectation.
En effet, chaque année, le SNALC accompagne des contractuels affectés dans des académies éloignées de leur lieu de vie. Certes, un ancien contractuel titularisé bénéficie d’une bonification au mouvement interacadémique de 150 à 180 points selon son ancienneté. Le cas échéant, des bonifications liées aux priorités légales peuvent s’y ajouter ce qui peut sembler avantageux. En réalité, la situation doit être évaluée au cas par cas. En effet, lorsqu’il n’y a pas d’entrant dans une académie ou que la barre d’entrée dépasse les 1 000 points, la bonification « ex-contractuel » est inopérante. Les disciplines de la voie professionnelle sont les premières concernées, mais ce ne sont pas les seules et le problème peut se présenter sur l’ensemble du territoire de Lille à Montpellier.

Le dilemme est parfois cornélien entre une logique de carrière menant naturellement à la stabilité d’une titularisation et l’impossibilité d’occuper un poste pour des raisons personnelles et familiales.
C’est pourquoi, avant de prendre une décision, il est vivement recommandé de faire appel au SNALC afin de faire un choix pleinement éclairé.
AMÉLIORATION DU MOUVEMENT : LES EXPÉDIENTS DU MINISTÈRE

Conscient des limites du dispositif de mutations, le Ministère a proposé des évolutions ; elles se sont malheureusement souvent soldées par des échecs.
À la fin des années 90, le mouvement à gestion déconcentrée en deux phases a remplacé le mouvement à un seul tour. Cette réforme impliquant de demander une académie « à l’aveugle » sans garantie sur l’affectation finale, a entraîné la réduction du nombre de participants au mouvement. Le « taux de satisfaction » s’est alors mécaniquement amélioré dans un premier temps… alors que les personnels bloqués dans une académie n’étaient pas vraiment satisfaits !
Des modulations du barème ont également été introduites. La valorisation de l’ancienneté dans le poste est ainsi passée de 10 à 20 points. Des situations ont ainsi pu être débloquées pour des collègues ne bénéficiant pas de priorités légales. Mais leur mutation s’est effectuée au détriment d’autres sans augmentation du flux global. Ce type de solution consistant à avantager les uns par rapport aux autres ne constitue donc qu’un pis-aller.
Pour déjouer les contraintes du barème, les Pop ou postes à profil ont pu apparaître comme une solution séduisante. Ils n’ont pas rencontré le succès escompté cependant ; les postes ne sont pas pourvus et le nombre de candidats baisse.
Quant au détachement, valorisé et facilité, il exige un changement de corps ou de discipline pour obtenir une mutation autrement inaccessible. Mais il faut alors que les personnels soient prêts à faire le choix de ne pas exercer le métier tel qu’ils l’ont choisi.
Enfin, les nouvelles exigences formulées en 2025 pour les justificatifs de PACS peuvent être interprétées comme un moyen de limiter les barèmes et par conséquent les demandes de mutation. La réduction du nombre de participants améliore alors mécaniquement le taux de satisfaction. Le SNALC vise un objectif autrement plus ambitieux : augmenter le nombre de mutés et de mutés satisfaits. C’est bien pour cela qu’il demande le retour à un mouvement en une phase associé à la création de postes supplémentaires pour que l’Éducation nationale redevienne une vraie priorité.
LE SNALC PROPOSE UN MOUVEMENT EN UNE SEULE PHASE
Le SNALC continue de défendre le principe d’un mouvement en une seule phase, un dispositif qui a existé il n’y a pas si longtemps mais que beaucoup ont oublié, y compris ceux qui, parmi les syndicats, ont réclamé sa fin comme l’attestent leurs interventions déplorant les « mutations à l’aveugle » qu’ils ont contribué à mettre en place. Le SNALC formule donc une proposition concrète : renouer avec le meilleur de ce qui a fait ses preuves.
En effet, lors de ce mouvement, il était possible de demander un établissement unique quelque part en France, une commune, un département, une académie ou une combinaison de ces vœux, sans prendre le risque d’être affecté en Ariège alors qu’on visait l’Aveyron en perdant son poste dans l’opération.
Il était aussi possible de s’affranchir des limites académiques en combinant des vœux dans les académies limitrophes, ce qui élargissait le spectre des possibilités notamment pour les rapprochements de conjoints.
Enfin, l’augmentation du nombre de participants au mouvement ne pourrait que bénéficier à tous. Combien de personnels en effet s’interdisent-ils de participer au mouvement interacadémique pour éviter les incertitudes de la seconde phase intra-académique ? En ouvrant des possibilités de mutation par une plus grande participation, on baisserait peut-être le taux de satisfaction, mais le nombre absolu de satisfaits augmenterait à coup sûr. Le Ministère, qui raisonne trop souvent en pourcentage, gagnerait à tenir davantage compte du nombre absolu d’individus satisfaits.
C’est ce qu’a pu expliquer le SNALC à une mission de l’IGESR en décembre 2024. Les échanges riches et prolongés ont montré l’intérêt suscité par cette proposition d’un mode d’affectation tombé dans l’oubli au sein de l’administration centrale.
Au-delà de ce retour à plus de visibilité pour les candidats à la mutation, le SNALC continue à réclamer les créations de postes de professeurs qualifiés nécessaires à l’amélioration des performances de notre système éducatif. Ces créations de postes auraient un autre effet positif : fluidifier le mouvement en permettant ainsi une mobilité accrue des personnels. Il s’agit là d’un enjeu majeur pour tenter de redonner un peu d’attractivité à un métier en perte de vitesse.





