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EPS et UNSS : une société qui fuit le risque s’affaiblit !

© Freepik.com

L’éducation physique et sportive (EPS) repose sur une vérité fondamentale : la prise de risque est essentielle à l’apprentissage moteur. En effet, très tôt, le jeune humain va devoir prendre le risque de se dresser sur ses deux jambes pour pouvoir marcher ; dès lors il s’expose à la chute et possiblement à la douleur. Le même processus et les mêmes enjeux se répètent tout au long de la vie. Pourtant, dans une société de plus en plus craintive et aversive au danger, le sport scolaire subit une vague de restrictions généralisées dès qu’un accident survient. Cette logique sécuritaire, si elle était appliquée à d’autres domaines comme la sécurité routière, nous apparaîtrait dans toute son absurdité : non seulement cette obsession du « risque zéro » nuit gravement aux apprentissages moteurs et humains des élèves, mais elle met également en lumière une société qui, en refusant toute incertitude, s’affaiblit et s’expose au déclin.

Paralysie des activités sportives scolaires : un non-sens éducatif

Les récents faits survenus dans le cadre de l’UNSS montrent à quel point le principe de précaution peut étouffer l’EPS et le sport scolaire. Ainsi, comme le rapporte L’Équipe, la suspension de la pratique scolaire du rugby après un accident grave (1) reflète une tendance à sacrifier la pratique de disciplines formatrices sur l’autel d’une peur disproportionnée. De la même façon, les championnats de ski UNSS demeurent gelés depuis un an et demi en raison d’un prétendu manque de garanties sécuritaires (2). De nombreuses activités sont aujourd’hui supprimées non plus en raison d’un risque mais d’une possibilité de risque.

Ces décisions traduisent une incapacité à accepter la part inévitable d’aléa dans la pratique sportive et, plus généralement, dans la vie. Pourtant, l’EPS n’a pas vocation à garantir une sécurité absolue, mais à apprendre aux élèves à évoluer dans des environnements où le risque existe, à le gérer, et à s’y adapter. Suspendre des activités dès qu’un incident survient fini par priver les jeunes d’expériences cruciales pour leur développement, comme la maîtrise de soi et la coopération face à l’incertitude.

Les racines d’une aversion croissante au risque

L’évolution du statut du risque dans la société française trouve ses racines dans des transformations profondes. D’une part, la déchristianisation de la société a marqué la fin d’une vision du monde où l’existence de l’homme s’inscrivait dans un plan divin, avec une acceptation relative de la souffrance et de l’épreuve comme partie intégrante de la vie. Comme le souligne le philosophe Charles TAYLOR (3), dans une société sécularisée, les épreuves ne sont plus nécessairement vues comme des éléments intégrés à un plan divin ou comme des opportunités de développement spirituel, mais plutôt comme des incidents à minimiser ou à éliminer. Cette perspective peut conduire à une approche de la vie où l’accent est mis sur la réduction des risques et l’évitement de la souffrance, au détriment de la résilience et de la capacité à surmonter les défis. Par ailleurs quand les notions de destinée et de fatalité ne sont plus acceptées comme les conséquences logiques de la Providence, l’individu est rendu totalement responsable des ses actions et de leurs conséquences : quand le divin s’efface du paysage, il faut bien trouver un autre coupable.

Dans le même temps, et sur un autre plan, l’effondrement du respect des institutions, dont l’École et de ses représentants, qui s’accompagne d’une montée de la judiciarisation des rapports sociaux, contribue également à cette aversion au risque. L’enseignant n’est plus perçu comme un guide incontestable, respecté pour sa compétence, mais comme un prestataire tenu responsable de toute défaillance. Ainsi, la moindre blessure dans un cours d’EPS est désormais susceptible de déclencher des poursuites, ce qui incite l’institution, les établissements et les enseignants à une surenchère de précautions. Cette tendance est encore renforcée par la surmédiatisation de ce type d’accidents, dans les médias et les réseaux sociaux.

Enfin, la montée en puissance du principe de précaution, érigé en valeur absolue dans les politiques publiques, a scellé l’idée qu’il est préférable de renoncer à toute activité comportant une part de risque, au mépris de ses bénéfices éducatifs et sociaux.

Et si l’on appliquait cette logique à la sécurité routière ?

Un tel réflexe sécuritaire, appliqué à d’autres domaines, ferait basculer notre quotidien dans l’absurde. Prenons l’exemple de la sécurité routière. Chaque année, des milliers d’accidents graves, parfois mortels, surviennent sur les routes (4). Selon la logique qui prévaut aujourd’hui en EPS, faudrait-il interdire la circulation automobile au premier accident ? Suspendre l’usage des vélos après une chute ? Arrêter la circulation ferroviaire après un déraillement ?

Évidemment non. En matière de transport, nous acceptons qu’un risque, aussi regrettable soit-il, fasse partie intégrante de l’activité. Nous mettons en œuvre des mesures pour limiter les dangers, mais sans arrêter tout usage des moyens de transport. Pourquoi, alors, ce raisonnement ne s’appliquerait-il pas au sport scolaire ? La disproportion de la réponse aux accidents illustre une déconnexion entre notre rapport au risque en EPS et dans d’autres sphères de la vie.

Refuser le risque, c’est refuser l’apprentissage

En EPS, le risque est un levier d’émancipation. C’est précisément dans l’incertitude que se jouent les apprentissages moteurs : calculer un saut, gérer une chute, évaluer une trajectoire. À l’inverse, aseptiser les pratiques ou les supprimer par crainte du danger prive les élèves d’occasions d’apprendre à maîtriser leur environnement.

Cette dérive repose en partie sur une confusion entre le risque objectif, mesurable, et le risque perçu, souvent exagéré par des émotions ou des représentations sociales. SLOVIC et FISCHHOFF ont montré que le risque perçu tend à amplifier les craintes, même dans des situations où les accidents sont statistiquement rares. Ainsi, des activités comme le ski ou le rugby, jugées dangereuses, présentent des risques souvent moins élevés que des sports comme le football ou le cyclisme, mais sont plus facilement sacrifiées à cause de leur dimension symbolique.

Une société qui fuit le risque s’affaiblit

Cette obsession sécuritaire dépasse l’EPS. Elle reflète une société qui refuse d’accepter le caractère imprévisible et la dimension imparfaite de la vie. Refuser le risque, c’est refuser de faire face à ces épreuves, et condamner la société à l’inertie : une telle société ne peut que s’affaiblir. « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort. » reste sans doute la citation la plus connue de Friedrich Nietzsche (5). À l’inverse, une société qui fuit l’adversité et cultive l’illusion d’une vie sans danger se condamne à une fragilité croissante. Appliqué à l’EPS et au sport scolaire, ce refus produit des élèves fragiles, incapables de gérer la peur, le danger et, plus largement, de s’adapter à un environnement incertain.

Réhabiliter le risque en EPS

Pour éviter cet affaiblissement, il est urgent de réhabiliter le risque en EPS. Cela ne signifie pas ignorer la sécurité, ni former des spartiates, mais apprendre aux élèves à évaluer et à gérer les dangers dans un milieu pédagogique encadré. En sport comme en sécurité routière, la solution n’est pas la paralysie, mais la conscience de l’existence d’un risque incontournable.

L’EPS et le sport scolaire offrent un espace unique pour apprendre à affronter l’incertitude, à gérer le risque et former les jeunes générations. Refuser le risque c’est engager la société sur une voie où l’obsession du risque zéro finira par paralyser toute initiative, tout progrès, et toute vitalité. Une société sans risque, comme une route où personne n’ose rouler, est une société immobile, vouée à disparaître : ce n’est pas le futur que le SNALC souhaite aux écoliers français.

 

(1) https://www.lequipe.fr/Rugby/Actualites/Un-accident-grave-suspend-la-pratique-scolaire-du-rugby/1372834

(2) https://www.estrepublicain.fr/societe/2025/01/24/suspension-des-championnats-unss-de-ski-ca-fait-un-an-et-demi-qu-on-attend-le-feu-vert

(3) Charles TAYLOR, « L’âge séculier », collection Les livres du nouveau monde, éditions du Seuil, 2011

(4) « Accidentalité routière en France », Observatoire interministériel de la sécurité routière, 30/01/2025

(5) Friedrich Nietzsche « Le crépuscule des idoles », 1888