Dossier du mois de la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1499 du 14 mars 2025.
Dossier rédigé par Laurent BONNIN, responsable de la cellule juridique du SNALC. Avec les contributions d’Élise BOZEC-BARET, Frédéric CHEULA, Xavier PÉRINET-MARQUET, Jean LÉONARDON et Corinne SEMAMI, membres de la cellule juridique du SNALC.
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La cellule juridique du SNALC étudie chaque jour de nombreux dossiers et constate que, bien souvent, des situations se constituent, s’ancrent et se détériorent, tant sur les plans humain, professionnel que juridique, car leurs signalements interviennent trop tardivement ou parce que des démarches ont été entreprises isolément en méconnaissance des bons outils à utiliser ou des procédures à suivre.
Il n’appartient pas aux agents (enseignants, AESH, AED, administratifs…) de maîtriser ces outils et ces procédures qui souvent s’avèrent plus complexes qu’il n’y paraît. En revanche, tous les représentants du SNALC, dans toutes les sections départementales ou académiques les connaissent et sauront parfaitement vous guider et vous orienter, assistés au besoin par nos services, ceux de nos avocats partenaires ou de la protection juridique comprise dans votre adhésion.
Aussi en cas de litige, de conflit, de contestation dans l’exercice de vos fonctions, un seul mot d’ordre, un unique réflexe : « contactez le plus tôt possible le SNALC » ! Ainsi, vous ne resterez pas seul, vous agirez vite, et serez conseillé et épaulé. En matière juridique, c’est comme en matière de santé, « mieux vaut prévenir que guérir ».
Puisse ce dossier, à travers les quelques exemples traités, vous en persuader
PROTECTION DES PERSONNELS : DE NOUVELLES MESURES EN PROJET

Suite au choc de l’assassinat de S. Paty en 2020, une circulaire interministérielle « Protection des agents publics » en date du 2 novembre 2020 a été produite en urgence. Mais se cantonner à cette circulaire, lorsqu’on connaît la faible portée juridique et la volatilité au fil du temps de ces simples actes administratifs, n’était pas à la hauteur des enjeux sécuritaires de l’École. Inscrire des mesures nouvelles et fortes dans la loi et les codes, au caractère suprême et inaltérable, était donc essentiel.
Ainsi, la loi n°2021-1109 confortant le respect des principes de la République a permis la reconnaissance de deux nouveaux délits définis et réprimés aux articles 431-1 et 433-3-1 du Code pénal concernant le fait de faire entrave, pour le premier, et de faire entorse, pour le second, à la fonction d’enseignement. Nous y reviendrons dans l’article suivant.
Le 10 janvier dernier, une proposition de loi “visant à protéger l’école de la République et les personnes qui y travaillent” a été soumise au Sénat. Elle avance de nouvelles mesures législatives pour renforcer la protection des personnels.
Parmi ces propositions, nous retenons celle de l’article 4 qui veut rendre automatique, dans un « délai d’un jour franc , l’octroi de la protection fonctionnelle pour les personnels (…) victimes de violences, menaces ou outrages du fait de leurs fonctions ». Quand actuellement les octrois de cette protection sont délivrés en moyenne au bout de 20 jours (source DAJ-MENJS), le progrès est considérable.
L’article 5 invite l’administration à « déposer plainte en lieu et place d’un personnel avec son accord » proposant une modification de l’article L15-3 du Code de procédure pénale. Ceci favorisera une participation et un soutien plus actifs de la hiérarchie à l’égard des agents, trop souvent isolés.
Le SNALC est évidemment très favorable à ces deux nouvelles mesures et il suivra de près leur évolution parlementaire et législative. Elles ne pourront que contribuer à «mieux prévenir plutôt que guérir» pour les personnels de l’Éducation nationale
L’ENTORSE À LA FONCTION D’ENSEIGNEMENT : UN VRAI DÉLIT

Une collègue reçoit un mot de parents d’élève lui demandant de replacer leur enfant à sa place habituelle en classe, près d’un camarade favori, avant qu’ils ne fassent parvenir à son administration (chef d’établissement et rectorat) un courrier annexé à leur message qu’elle est aussi invitée à lire. Ce courrier est à charge. Il rapporte un ensemble de faits incriminant l’enseignante qualifiée de harceleuse et de maltraitante
Cette situation banale et ubuesque doit être parfaitement analysée et cernée. À quoi cette collègue est-elle confrontée ?
Quatre éléments sont repérables :
- la contestation d’une décision liée à l’exercice de sa liberté pédagogique et de son autorité ;
- un courrier relatant des faits déformés, incomplets ou faux, caractéristiques d’une dénonciation calomnieuse car transmis à sa hiérarchie, ils deviendraient passibles de graves sanctions à son égard ;
- une injonction d’agir favorablement, contre des règles pédagogiques établies, à l’égard d’un élève;
- une intimidation et la menace de voir diffuser ce courrier préjudiciable en cas d’inaction.
À ce stade, cette collègue n’est victime que d’une infraction. La dénonciation calomnieuse ne peut être retenue puisque le courrier n’a pas encore été adressé à l’autorité hiérarchique et qu’elle n’encourt donc aucun risque de sanction.
En revanche, le délit visible ici et plus grave consiste à faire entorse à la fonction d’enseignement. C’est-à-dire à « user de menaces ou de violences ou de commettre tout autre acte d’intimidation à l’égard de toute personne participant à l’exécution d’une mission de service public, afin d’obtenir pour soi-même ou pour autrui une exemption totale ou partielle ou une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement dudit service » tel que défini à l’article 433-3-1 du Code pénal et « puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ».
En conséquence, le SNALC vous invite à ne jamais rester seul(e) en cas de difficulté et à entreprendre toute démarche d’analyse et de mise en action avec l’éclairage et le soutien de vos représentants syndicaux : prévenir valant toujours mieux que guérir !
PRÉNOMS DES ÉLÈVES : DES DEMANDES À BIEN CONSIDÉRER

Il n’est pas rare qu’un(e) élève s’adresse à vous pour vous demander d’être appelé(e) par un autre prénom que celui indiqué dans la liste de classe. C’est une démarche parfois impromptue qui peut être déstabilisante, notamment lorsque le nouveau prénom modifie le genre de l’élève. Vous pouvez alors être amené à prendre une décision à chaud qui pourrait vous être préjudiciable
Que faire ? Que dit la loi ? Rien de franc. La loi n°2008-496 réprime toute « discrimination directe (…) sur le fondement de son origine, de son sexe (…) de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre (…) » et ouvre l’application aux articles 225-1 et 132-77 du Code pénal pour sanctionner toute infraction en la matière.
En revanche, il existe une circulaire du 29 septembre 2021, relative à « l’identité de genre en milieu scolaire » bien plus explicite. Elle s’appuie sur ce cadre législatif et la jurisprudence de la CESDH (2017) selon laquelle : « des éléments tels que l’identité ou l’identification sexuelle, le nom, l’orientation sexuelle et la vie sexuelle relèvent de la sphère personnelle protégée par l’article 8 de la Convention [européenne] ».
Il découle de cette circulaire que « l’établissement scolaire doit être attentif à garantir les conditions d’une transition revendiquée – possibilité d’être identifié et visible comme une personne transgenre – ou d’une transition confidentielle ». Ainsi, « les enseignants ont le devoir d’accompagner les jeunes (…) de leur laisser la possibilité d’explorer une variété de cheminements sans les stigmatiser ou les enfermer dans l’une ou l’autre voie. »
Aussi,« pour de nombreux jeunes transgenres d’âge scolaire, la reconnaissance sociale de l’identité de genre passe par le recours à un prénom d’usage. (…) Si la demande est faite avec l’accord des deux parents de l’élève mineur (…), l’établissement scolaire substitue le prénom d’usage [afin] que le prénom choisi soit utilisé par l’ensemble des membres de la communauté éducative ».
La circulaire est claire. Ainsi, face à de telles demandes, le SNALC vous conseille la plus grande prudence. Si vous n’êtes pas au courant d’une substitution de prénom actée par l’administration, réservez votre réponse au cours suivant et renseignez-vous. Si l’administration a reçu l’accord des deux parents pour la modification du prénom vous devez respecter la demande de l’élève. De même si l’élève est majeur. Dans le cas contraire, ou si seul un des parents a cautionné la demande, c’est le prénom figurant à l’état civil de l’élève qui devra être utilisé.
RELATIONS DE HARCÈLEMENT ENTRE COLLÈGUES AU TRAVAIL

Si la prévention contre le harcèlement entre élèves est une priorité de notre Ministère, qu’en est-il du harcèlement entre collègues dans le cadre de nos fonctions ?
Par deux jugements, le juge administratif retient le délit de harcèlement moral alors que deux professeurs subissaient des propos et des comportements insultants de la part d’autres collègues durant plusieurs mois, et pour partie devant les élèves (TA Montreuil, n°1705840 et n° 1705843, 2018).
Les articles L133-1 à L133-3 du Code général de la fonction publique prévoient une protection absolue contre le harcèlement, quelle qu’en soit la forme. Il peut s’agir de faits de dénigrements, d’insultes voire de menaces, dans la mesure où ils présentent les caractères exigés par la loi : des agissements répétés qui dégradent les conditions de travail et portent atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique ou mentale ou compromettent l’avenir professionnel de la victime.
Face à ces pratiques, il faut agir sans tarder ! Afin de sortir de l’isolement, le SNALC vous accompagne pour :
- Collecter, établir et prouver les faits : vous pouvez le faire par tous moyens (sms, mails, certificats médicaux, attestations de témoins, enregistrements) ;
- Signaler les faits : vous pouvez l’effectuer sur le Registre de Santé et de Sécurité au Travail, mais aussi auprès du dispositif d’accompagnement dédié aux victimes dans votre académie, prévu depuis le décret n°2020-256 et l’arrêté du 31 juillet 2023. Le signalement déclenche un entretien personnalisé et confidentiel avec un conseiller de la cellule d’écoute. Vous pouvez aussi déposer une plainte en vue d’agir judiciairement contre votre agresseur.
- Vous protéger : n’hésitez pas à demander un rendez-vous auprès du médecin de prévention ainsi que la protection fonctionnelle via la plateforme Colibris
PRESSIONS HIÉRARCHIQUES : COMMENT AGIR ?

De nombreux personnels sont aujourd’hui confrontés à des pressions de la part de leur hiérarchie. Cette forme de violence dégrade les conditions de travail et peut avoir des répercussions graves sur la santé. Comment réagir face à ces pressions ? Que dit la loi
La loi est claire. L’article L. 133-2 du Code général de la fonction publique interdit tout agissement répété entraînant une dégradation des conditions de travail d’un agent, portant atteinte à ses droits et à sa dignité. En complément, l’article L. 134-5 du même code impose à l’administration un devoir de protection contre le harcèlement.
Un arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille (n° 14MA02009 du 8 décembre 2015) illustre bien ce cadre juridique. Un enseignant a en effet subi des modifications injustifiées de son emploi du temps, un retrait de certaines responsabilités et des évaluations professionnelles infondées. La justice a reconnu ces faits comme du harcèlement moral. La modification arbitraire et sans justification des conditions de travail d’un personnel constituant une faute.
Si vous êtes confronté à ce genre de situation, le SNALC vous conseille d’être très vigilant et réactif, et d’en informer rapidement votre section académique. La force de l’oppresseur réside bien souvent dans l’isolement de la victime. La situation pourra être objectivement analysée, les faits bien qualifiés pour envisager la meilleure stratégie de réponse.
De multiples outils légaux, réglementaires et administratifs existent pour vous protéger. Des démarches précises de recueil, de signalement, de demande d’assistance sont à mettre en œuvre (voir article précédent).
Vos responsables locaux les connaissent, les maîtrisent, assistés si besoin par la cellule juridique du SNALC, par nos avocats partenaires et par la protection juridique de la GMF (comprise dans votre adhésion). Ils sauront vous guider.
Le SNALC sera toujours à vos côtés si votre hiérarchie devait outrepasser ses droits et vous invite à lui signaler tout méfait, et sans attendre, car mieux vaut toujours prévenir que guérir
ACCUSATIONS D’ATTOUCHEMENT INFONDÉES : COMMENT SE DÉFENDRE ?

Le SNALC a accompagné un collègue il y a quelques années, accusé à tort d’attouchements sexuels par des filles de son établissement qui cherchaient à se venger de leur professeur « trop sévère ».
Pour le rectorat, ce collègue s’était montré imprudent. On lui reprochait en effet, d’avoir participé à des séances de secourisme seul avec des élèves et d’avoir appris à danser à des élèves dans ses cours. Or, il enseignait la musique et la danse figurait au programme ! En outre, aucune plainte n’avait alors été émise contre lui. Suite aux accusations, il avait alors été suspendu et le procureur lui avait interdit tout contact avec des élèves. Après deux années d’enquête, la gendarmerie a démontré que les élèves mentaient et il a fallu l’intervention du SNALC au niveau ministériel pour que le collègue récupère les salaires non perçus. En effet, le rectorat, l’avait relevé de sa suspension après 4 mois, mais comme il ne pouvait faire cours par injonction du juge, son absence l’avait privé de tout salaire. Suivant la jurisprudence du Conseil d’État, le rectorat n’avait effectivement pas l’obligation de verser les salaires perdus par le collègue (CE n° 470016, 2024).
Pour se prémunir de ce genre de situation, le SNALC vous conseille d’éviter tout contact physique avec les élèves et en cas d’impératif, de leur en demander l’autorisation devant témoins ou de laisser intervenir un personnel féminin. Il faut aussi éviter de se retrouver seul face à un ou quelques élèves.
Enfin, si de fausses accusations sont portées contre vous, il faut vous rapprocher en urgence de vos représentants syndicaux qui vous assisteront pour effectuer une demande de protection fonctionnelle et pour porter plainte contre ces élèves, en l’espèce pour dénonciation calomnieuse. Ce délit consiste à accuser quelqu’un « d’un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l’on sait totalement ou partiellement inexact » et qui, rappelons-le, « est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende » (art. 226-10 du Code pénal).
SECRET PROFESSIONNEL : UN PRINCIPE DE BASE

Un parent d’élève informe l’enseignant d’un diagnostic concernant son enfant lors d’un rendez-vous individuel. Ce diagnostic explique certains comportements de l’élève et a des répercussions sur son travail et son attitude en classe, mais sans nécessiter d’établir un PAI. Le parent veut que l’information soit connue de ce seul enseignant alors que toute l’équipe est en difficulté avec l’élève. Que faire
Les textes prévoient que les agents publics respectent une règle générale de confidentialité qui porte sur deux aspects : la discrétion professionnelle et le secret professionnel. Ces deux notions sont maintenant codifiées aux articles L.121-6 et L.121-7 du Code général de la fonction publique. Le principe est simple. Le fonctionnaire doit se faire discret sur toutes les informations captées au cours de ses fonctions, même sans consignes particulières, et ne pas les diffuser. Cependant, le Code pénal prévoit que la discrétion et le secret ne sont pas applicables dans les cas où il y a une obligation de signalement, par exemple lorsqu’on a connaissance de maltraitances sur un enfant. Il faut alors, au contraire, informer le procureur de la République des faits constatés.
En pratique, comme dans le cas exposé ci-dessus, si les parents de l’enfant acceptent de donner l’information et de la partager, l’on peut échanger ses renseignements notamment si leur divulgation est nécessaire au bon fonctionnement du service, tout en restant discret vis-à-vis de l’extérieur. Le SNALC vous conseille alors de recueillir leur consentement écrit sans lequel vous pourriez vous exposer à la sanction pénale.
Dans le cas contraire, l’enseignant qui a connaissance du diagnostic ne peut en aucun cas en informer ses collègues.
En revanche, il peut transmettre des éléments sur les conséquences des troubles de santé de l’élève, dans son attitude et son travail, mais uniquement aux enseignants qui l’ont en charge. Ces derniers doivent à leur tour garder ces informations pour eux et ne pas les diffuser.
PRÉVENTION DES RISQUES PROFESSIONNELS : À QUI LA FAUTE ?

Le sol du couloir menant à la salle des professeurs d’un collège est détérioré, ce qui a été signalé à plusieurs reprises. Un enseignant a fini par trébucher et s’est cassé le poignet, entraînant un accident de service : le chef d’établissement peut-il être condamné pour faute ?
Le Code du travail est clair sur la question de la responsabilité : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. […] » (art. L4121-1). Cela s’applique-t-il à l’Éducation nationale ? Oui, car cet article se situe dans les livres I à V de la quatrième partie du Code du travail, qui concernent aussi la fonction publique.
Un autre texte, le décret n°82-453 du 28 mai 1982, précise le Code du travail sur ces sujets dans la fonction publique. Ainsi l’article 2-1 du décret dispose : « Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. »
Les chefs de service ne peuvent donc être tenus pour responsables à eux seuls de la politique de l’État en matière de prévention des risques professionnels. La jurisprudence confirme qu’en cas de manquement à l’obligation de protection d’un agent, c’est le plus souvent l’État et non le responsable hiérarchique qui est condamné.
L’administration a l’obligation d’évaluer les risques professionnels (DUERP) et de prendre les mesures nécessaires pour les limiter. Elle doit aussi mettre en place des actions de prévention, d’information et de formation.
Cependant, le SNALC dénonce un manque de moyens, parfois de volonté, pour que cette politique de prévention soit efficiente. Les représentants du personnel, dans les formations spécialisées en santé, sécurité et conditions de travail (F3SCT) sont au fait de ces obligations et examinent les registres santé sécurité au travail remplis par les agents (RSST). N’hésitez pas à les utiliser pour tout risque constaté et à faire appel au SNALC en cas d’inertie !
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