À retrouver sur le site d’Sud Radio. Interview diffusée le 21 octobre 2020 dans “le coup de fil du matin”, diffusé tous les jours à 7h12 dans la matinale animée par Cécile de Ménibus et Patrick Roger.
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Sud Radio : Qu’attendez-vous de l’hommage ce soir à la Sorbonne ?
Un hommage, c’est d’abord rendre hommage à la personne. Ce n’est pas quelque chose qui va faire avancer l’enquête, proposer des solutions mais c’est quand même important qu’un enseignant, au XXIe siècle en France décapité dans la rue, soit honoré par la nation toute entière. C’était un enseignant très apprécié, qui faisait son travail très sérieusement. Le SNALC et la plupart des syndicats avaient demandé cet un hommage national. Sud Radio Comment sentez-vous les enseignants, vos collègues aujourd’hui ? On dit que certains sont entre fatalisme et désarroi. Oui, c’est depuis longtemps, que les enseignants sont entre fatalisme et désarroi. La profession est en crise, de toute façon, depuis un certain nombre d’années. Les collègues sont absolument choqués et horrifiés de ce qui s’est produit. Nous ne sommes pas forcément surpris pour autant. Nous savions qu’un tel acte pouvait arriver ; nous savions que l’école n’est pas un sanctuaire qui serait protégé de toutes les atteintes de l’extérieur ; nous savions que les professeurs ne seraient pas respectés par toutes les personnes de la société française. Sud Radio : C’est vrai Jean-Rémi Girard, cela fait des années que vous le constatez, que vous essayez d’alerter. Malgré tout, on a l’impression que l’on va plus loin avec le martyr, si je puis dire de Samuel Paty. Il y a des enseignants qui brisent l’omerta ce matin encore dans la presse et ces derniers jours en disant souvent : « on rencontre ce genre de confrontation avec des élèves en classe et avec les parents d’élèves”. Nous ne disons quasiment rien à notre hiérarchie parce que nous savons qu’elle ne va pas forcément nous soutenir. On l’avait déjà porté assez fortement il y a deux ans lors du mouvement “pas de vagues”, souvenez-vous des hashtaggs “pas de vagues” dans l’Éducation nationale. C’est un phénomène de fond, ça ne veut rien dire sur ce qui s’est passé sur cette situation précise. Il va y avoir une enquête administrative de la part de l’inspection générale. Tout le monde va être entendu, on va essayer collectivement de comprendre ce qui s’est produit, à quel niveau, éventuellement il y a eu des choses qui n’ont pas fonctionné ou qui n’ont pas été mises en place comme elles auraient dû l’être. Mais oui, au-delà de cela il y a une méfiance, il y a du doute sur notre institution. Va-t-elle toujours être dernière nous ? Ne va -t-elle pas chercher à ménager la chèvre et le choux ? Ne va-t-elle pas chercher à mettre la poussière sous le tapis ? C’est certain. Sud Radio : D’ailleurs Jean-Rémi Girard, l’enquête est en cours. On ne peut donc pas tout dire pour l’instant, mais confirmez-vous qu’il devait y avoir une rencontre entre un inspecteur et Samuel Paty à la suite de ce qu’il s’était passé ? Alors, ce que l’on sait c’est que la cheffe d’établissement a prévenu le niveau au-dessus, à savoir le DASEN et le rectorat et qu’un inspecteur référent sur les questions de laïcité est venu. La démarche de la chef d’établissement est tout à fait normale sur une situation comme celle-là, il vaut mieux ne pas rester seul au niveau d’un collège. Ce que l’enquête administrative va chercher à savoir, c’est effectivement quel a été le type d’intervention qui a pu être mené par l’inspecteur. Est-ce que le collègue a été soutenu ? On sait qu’on lui a conseillé visiblement de porter plainte. On ne lui a pas forcément apporté la protection fonctionnelle. Ce sont des choses qu’on va discuter aussi. Il a beaucoup de petits détails comme ça. Il y a en fait deux choses, pour moi, quand je dis pour moi, c’est que les collègues nous le remontent, deux choses sur lesquelles on attend des réponses. La première, c’est comment peut-on recevoir un islamite fiché S dans un établissement scolaire ? À quel moment a-t-on a su que c’était lui en fait ? Je pense que la cheffe d’établissement ne le connaissait pas. La deuxième c’est à partir du moment où a on su que c’était lui et que des vidéos circulaient, qu’est-ce qu’on a fait pour protéger mon collègue ? On sait très bien qu’à partir de ce moment là, le passage à l’acte, n’est pas une certitude mais une probabilité très forte. Sud Radio : On suivra cette enquête particulièrement importante, bien sûr pour connaître le rôle aussi de la hiérarchie et du soutien aux enseignants. Merci Jean-Rémi Girard président du SNALC. |