Résultats de l’enquête du SNALC
En 2024, suite à divers événements qui ont remis sur le devant de la scène la sécurité dans les écoles primaires, le SNALC a lancé une grande enquête nationale sur le niveau de sécurisation de nos écoles.
Cette enquête a reçu plusieurs milliers de réponses issues de tout le territoire, de tous types d’écoles et de tous profils de professeurs des écoles, permettant ainsi une exploitation de résultats représentatifs de la diversité et de la réalité du terrain.
Les réponses ont fait émerger de multiples lacunes et des dysfonctionnements considérables.
Nous tenons à remercier celles et ceux qui nous ont accordé de leur temps pour répondre à ce long questionnaire. Cette enquête a permis de mettre en avant le vécu des principaux acteurs de terrain, ceux qui sont les mieux placés pour donner un avis objectif sur la réalité de la situation : les professeurs des écoles.
Nous aborderons les réponses tantôt à travers des aspects humains, tantôt à travers des aspects matériels. La toute première question était essentielle.
La réponse obtenue nous a permis de comprendre immédiatement pourquoi nous avions reçu ces milliers de témoignages et d’avis.
En effet, elle révèle que près de 45 % des collègues ne se sentent pas en sécurité dans les écoles.
Christophe GRUSON, secrétaire national du SNALC chargé du premier degré
Sommaire
1. L’ACCÈS À L’ÉCOLE
1.1 Les entrées et sorties d’école
C’est plus particulièrement lors des sorties et des entrées des élèves que les collègues déclarent ne pas se sentir en sécurité. Les points d’accès, souvent appelés simplement « grilles » ou « portails », cristallisent à quatre reprises au cours de la journée les angoisses et le stress des enseignants. En effet, les témoignages signalent un grand nombre de personnes extérieures qui profitent de l’ouverture de la grille pour pénétrer dans l’enceinte de l’école, parfois sans réel motif ou avec des motifs inappropriés. Il est d’ailleurs évoqué dans les témoignages, plus de tensions lors des sorties que lors des entrées, notamment en fin d’après- midi. Filtrer les entrées est d’autant plus compliqué que la taille de l’école est importante. En effet, dans le cas de grandes structures, il est impossible de connaître tous les parents des enfants de l’école, et certains parents, membres de la famille ou autres, sont très intrusifs et franchissent la grille dans un état d’esprit de défiance, avec des intentions qui ne sont pas toujours bienveillantes.
Si, comme dit en préambule, 45 % des collègues ne se sentent pas vraiment en sécurité au sein des écoles, les chiffres prennent une tournure bien plus inquiétante quand la question porte sur les moments d’entrée et de sortie des élèves : ce sont près de 66% des collègues qui ne se sentent pas en sécurité à ces moments précis de la journée. Bien que les accès ferment en grande partie à clé, ce qui est bien la moindre des choses, nous avons pu noter dans les différents témoignages que de nombreuses personnes, en dehors de l’équipe enseignante, possèdent les clés de l’école.
Il est courant qu’un animateur ou un personnel communal ouvre l’école et la laisse ouverte bien avant l’heure d’entrée des élèves. Ainsi, il arrive que les locaux soient rendus accessibles à n’importe qui, bien avant l’arrivée des professeurs des écoles. Selon certains témoignages, des collègues se sont retrouvés seuls, face à des parents les attendant devant la salle de classe.
Citations et témoignages de collègues :
« Après plusieurs problèmes rencontrés à la sortie de l’école, je suis terrifiée, j’en suis à rester loin du portail de sortie pour surveiller les élèves qui passent le portail, de peur de me faire agresser par les parents. »
« Nous avons reçu des menaces par des parents, la police est présente le matin et le soir, mais en journée n’importe qui peut entrer dans l’école. Je m’enferme à clef dans ma classe avec mes élèves, je sais que je n’ai pas le droit mais régulièrement des parents entrent dans les autres classes pour régler leurs comptes.»
« Assurer la sécurité à ce moment-là peut être complexe puisque trois portails (distants de 30 mètres l’un de l’autre) sont simultanément ouverts. »
« Pour assurer la sécurité à la sortie de l’école, nous aurions besoin de l’aide de la police municipale dans ma commune. »
« Dans notre école la grille ne pose aucun problème particulier car le grillage est tellement bas qu’il peut facilement être enjambé par les élèves. Donc les parents n’attendent pas la sortie de classe pour rentrer dans l’école et en découdre avec l’enseignant. »
Position du SNALC :
La surveillance au portail des écoles devient de plus en plus problématique. Pour le SNALC, il manque clairement de personnels pour aider les enseignants, qui n’ont pas toujours les moyens de s’opposer à l’entrée de parents ou d’individus malveillants. Un personnel communal en soutien lors des entrées et sorties serait le bienvenu. Mais c’est la gestion de la grille ou du portail en général, non seulement lors des entrées et sorties, mais également pendant les heures de classe, qui pose problème. Ainsi, le SNALC rappelle qu’il est demandeur d’une aide humaine et pérenne pour seconder quotidiennement les directeurs dans toutes les écoles, une aide qui pourrait être avant tout administrative mais qui pourrait également jouer un rôle de surveillance lors des moments clés, tels que les entrées et sorties de classe.
1.2 Les familles dans l’École
Concernant l’entrée des familles dans l’école, il ressort de l’enquête que 53,33 % des répondants souhaiteraient que les familles ne soient plus autorisées à pénétrer dans l’enceinte de l’école (sauf rendez-vous avec l’enseignant, cas exceptionnel, etc.).
Les témoignages précisent que la gestion de ces intrusions dans les écoles s’avère d’autant plus difficile que des parents considèrent souvent l’école comme un lieu « public » dans lequel il est finalement facile de faire entendre sa colère et d’exprimer sa contestation vis-à-vis de l’institution, voire de l’État. Ces situations sont stressantes pour les équipes, qui ont déjà les plus grandes difficultés à gérer les problèmes au sein de leur classe et qui n’ont ni besoin, ni envie, de se retrouver confrontées à un parent agressif, qui plus est en présence des élèves.
L’enquête montre par ailleurs que cette entrée des familles dans l’école semble poser moins de problèmes dans les petites communes que dans les grandes villes.
Citations et témoignages de collègues :
« Beaucoup trop de va-et-vient de parents dans mon école ! »
« C’est toute l’ambiguïté d’une école ouverte mais sécurisée. Dans l’absolu, je ne pense pas que “fermer” l’école soit une bonne chose. Mais dans certains cas, il semble que ce soit malheureusement une option à étudier pour repartir sur des bases saines dans la relation avec les parents, tout en rassurant les personnels. »
« Les familles ne sont plus du tout autorisées à entrer dans l’école depuis deux ans suite à des agressions verbales et physiques, nous nous en portons très bien et nous travaillons plus sereinement. »
« Ne plus autoriser aux parents à pénétrer dans l’école, cela briserait ce qui reste du lien de confiance. Cela insécuriserait les enfants. Je ne comprends même pas le concept et que cette question soit posée. »
« La mairie a interdit aux familles de rentrer dans l’école depuis la rentrée de septembre. »
Position du SNALC :
Les parents sont véritablement « entrés » dans l’école dans les années 70/80. L’Éducation nationale, sous couvert de bienveillance et de co-éducation, a permis aux parents d’élèves de s’immiscer dans les affaires de l’École. Peu à peu, les familles se sont octroyé un droit de regard, en devenant par la même de plus en plus exigeantes. Le va-et-vient de parents qui contestent les décisions prises par les enseignants est devenu insupportable pour les collègues. Ces intrusions « autorisées » sont contraignantes, voire parfois inquiétantes en termes de sécurité. En effet, certains parents profitent de cette « ouverture » de l’École et n’hésitent pas à pénétrer dans les classes sans y avoir été invités, avec une intention qui n’est pas forcément empreinte de bienveillance.
Pour le SNALC, une relation de confiance entre parents et enseignants est indispensable. Cependant, notre enquête confirme que les parents ne devraient pouvoir entrer dans l’enceinte scolaire que lorsque leur présence est souhaitée et planifiée par les enseignants.
Dès lors que des parents viennent régulièrement perturber le bon déroulement de la classe ou l’organisation de l’école, mettant ainsi à mal la sécurité des élèves et des personnels, il n’est guère surprenant que des conseils d’école ou des municipalités prennent la décision d’encadrer strictement l’entrée des parents dans les locaux.
2. OUTILS ET FORMATIONS
2.1 Connaissance des outils et des protocoles
Dans son questionnaire, le SNALC s’est intéressé aux protocoles et outils utiles pour prévenir et signaler les situations d’insécurité dans les écoles. Les résultats montrent un bilan accablant du manque d’informations dont nous ont fait part les professeurs des écoles. Ainsi, 70 % des professeurs des écoles ignorent ce qu’est le RDGI (Registre de Danger Grave et Imminent), 50 % ne connaissent pas le DUERP (Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels), et 25 % ne connaissent pas le RSST (Registre Santé Sécurité au Travail). Presque 25 % ne connaissent pas non plus l’application « Fait Établissement ».
Position du SNALC :
Pour le SNALC, on peut donc s’interroger sur l’efficacité de ces protocoles, dans la mesure où ils sont méconnus. Les témoignages divers montrent que cette méconnaissance est souvent due à une formation insuffisante des professeurs des écoles dans le domaine de la sécurité des locaux. Il est inadmissible et inquiétant que les collègues ne soient pas sensibilisés et familiarisés à l’utilisation de ces outils indispensables.
Concernant l’utilité du PPMS, il ressort du graphique 4 qu’une majorité de professeurs des écoles (78 %) le juge inefficace. Ce dispositif, présenté chaque année en conseil d’école, constitue cependant un outil de sécurité essentiel et incontournable.
Le personnel enseignant est censé effectuer des exercices à intervalles réguliers et signale les dysfonctionnements. Cependant, de nombreux témoignages sur le sujet évoquent des exercices non réalisés ou non pris au sérieux, et surtout un dispositif de mise en alerte absolument inadapté, relevant parfois du Moyen-Âge quand il n’est pas inexistant.
Une question de l’enquête révèle que seuls 21 % des collègues ont eu recours au RSST (Registre Santé Sécurité au Travail), et pour cause, il n’y a que 56 % des professeurs interrogés qui savent où le trouver. Qui plus est, dans ces 56%, un tiers (soit 13% d’adjoints et 7% de directeurs) sait certes accéder au registre mais ne sait pas s’en servir.
Le graphique 5 montre que 44% des collègues ne savent pas où trouver ce registre et un quart d’entre eux (soit 11 %) ne sait même pas ce qu’est le RSST.
Les graphiques 6 & 7 ci-dessous sont édifiants et montrent à quel point le manque de maîtrise des procédures d’évacuation et de mise à l’abri est avéré.
Comme nous pouvons le voir sur le graphique 6, une majorité des collègues maîtrise la mise à l’abri. Il y a cependant près de 30% de collègues pour lesquels ce n’est pas le cas.
Une sensibilisation mais surtout une formation s’imposent. Comme on peut le lire dans les commentaires et comme nous le verrons plus loin dans l’analyse, il y a une réelle demande de la part des collègues.
S’il semble plutôt facile de se cacher, ce que l’on fait assez instinctivement, il ne semble pas aussi simple de s’échapper. En effet, la procédure d’évacuation peut s’avérer complexe dans certaines configurations d’écoles.
Il ressort des témoignages que les exercices, quand ils sont faits, ne sont pas toujours réalisés sérieusement. De plus, les nombreux intervenants extérieurs ou enseignants remplaçants de passage dans l’école ne peuvent maîtriser ces procédures. L’enquête révèle également quelques aberrations de taille conséquentes : dans certaines écoles de campagne par exemple, des portes permettant l’évacuation sont verrouillées toute l’année « par sécurité » et ne sont déverrouillées que lors des exercices !
Citations et témoignages de collègues :
« Le RSST n’est pas mis à la disposition du personnel. Aucun des collègues ne sait l’utiliser. »
« J’ai appris ce qu’était le RSST en stage syndical… Sinon jamais entendu parler, on ne savait à quoi cela servait. »
« Je n’ai jamais entendu parler de RDGI ou DUERP ! »
« Les exercices d’évacuation en cas d’incendie ou en cas d’intrusion ne sont pas fait sérieusement dans mon école. »
« Je n’ai aucune formation, c’est moi qui dois rédiger le DUERP et je ne sais même pas ce que c’est ! »
« Comment savoir comment utiliser ces documents, comment savoir quand les remplir, comment savoir où les trouver si l’on ne nous l’a jamais expliqué ? Et je ne suis pas la seule dans l’école ! »
« Nous avons fait plusieurs exercices intrusion mais la configuration de l’école rend impossible d’entendre un quelconque signal d’alarme. »
« Jamais fait de PPMS intrusion dans l’école. »
« Cette vaste blague, certaines portes sont fermées à clef tout au long de l’année et ne sont ouvertes que le jour de l’exercice. »
« La dernière fois qu’un PPMS intrusion a été lancé, nous avons été très efficaces et en 2 minutes, nous étions à l’abri. Il a fallu juste attendre une heure pour voir arriver les forces de l’ordre qui sont au bout de la rue. »
Position du SNALC :
On ne peut pas dire « il n’arrivera rien ». Dans les établissements et les écoles qui ont récemment été marqués par des faits, des événements, voire des drames, plus personne n’est capable de tenir ce propos. Quelle que soit l’école, les risques ne doivent être ni minimisés ni ignorés.
Pour le SNALC, il y a une prise de conscience à avoir à tous les niveaux et par tout un chacun : de l’enseignant dans sa classe jusqu’au plus haut sommet de notre hiérarchie en passant par tous les acteurs de la communauté éducative.
2.2 La formation
La méconnaissance des protocoles, outils et procédures nous a amenés à interroger les collègues sur leur formation relative à la sécurité.
Nous avons constaté que près de 86 % des professeurs des écoles signalent qu’ils n’ont pas reçu de formation spécifique aux risques d’intrusion. La simple mise en place de la procédure de mise en sécurité ne semble pas suffisante pour les collègues. Ces derniers souhaiteraient en effet pouvoir être réellement formés et faire part de leurs inquiétudes voire de leurs attentes.
L’important écart de pourcentage entre les réponses du diagramme ci-contre ne permet pas de minimiser ou de masquer la réalité : il y a une réelle attente des collègues sur le terrain à ce sujet.
Pour aller encore plus loin, nous avons voulu savoir sur quels points précis les collègues auraient souhaité être formés en matière de sécurité à l’école. Le graphique 9 montre le sidérant niveau d’attente des professeurs des écoles et combien ils sont demandeurs de formations ciblées. Plus de 66 % souhaitent bénéficier de formations sur le risque d’intrusion et 68 % plébiscitent des formations sur les procédures d’évacuation. Cependant, les formations les plus demandées sont celles sur les gestes de premiers secours, avec un taux de 72 %.
Position du SNALC :
S’il est vrai que la probabilité d’avoir recours à la procédure d’intrusion ou à l’évacuation d’urgence n’est pas très élevée, la probabilité d’avoir recours aux premiers secours l’est beaucoup plus pour un enseignant au cours de sa carrière. Le recyclage des gestes de premiers secours semble être le minimum requis quand on a la responsabilité d’un groupe d’enfants, d’autant plus au regard des activités quotidiennes, des séances d’EPS, des sorties pédagogiques, etc.
Le graphique 10 nous confirme que l’Éducation nationale est un mauvais élève en la matière, puisque seuls 10 % des professeurs des écoles affirment avoir reçu par leur employeur une formation aux premiers secours datant de moins de 4 ans. Rappelons que la validité de la formation est de 3 ans. Devant la nécessité ressentie d’être formés sur la question, certains collègues ont décidé de suivre une formation par eux-mêmes, comme souvent précisé dans les témoignages. Ces chiffres confirment le constat fait précédemment, à savoir que la formation est très insuffisante en matière de sécurité. La quasi-absence de formation aux premiers secours impacte indéniablement l’efficacité des dispositifs.
Citations et témoignages de collègues :
« J’ai passé l’AFPS (par moi-même) il y a quelques années quand, lors d’une sortie, terrorisée devant un élève au sol, j’ai sonné à la première porte et que c’est un monsieur que je ne connaissais pas qui a fait le nécessaire. J’ai ensuite demandé à être formée par l’Éducation nationale et je ne l’ai jamais été. »
« Je suis incapable de savoir ce qu’il faut faire ou ne pas faire si un élève se blesse pendant une séance d’EPS. »
« Quand nous partons à la salle située à un peu moins d’un kilomètre de l’école, il n’y a pas de réseau de téléphone, s’il arrive quelque chose à un élève et qu’il faut faire les premiers gestes qui peuvent le sauver, je ne les connais pas. »
« J’ai passé mon BNS, ancien nom pour le brevet de secourisme, en 1994, et c’était à l’armée ; je n’ai pas eu d’autre formation depuis. »
« Je suis enseignante dans une zone assez sensible et ce n’est pas normal que je doive me rendre sur internet pour connaître les choses à faire en cas d’intrusion, ce qu’il ne faut pas faire. Je suis révoltée après ce qu’il s’est passé dans le Nord de la France en 2023, que rien ne soit fait. J’ai comme l’impression que notre institution n’en a que faire de ce dont nous avons besoin. »
« Nous devrions avoir une formation d’auto-défense. »
« Avec deux collègues, nous nous sommes inscrites à des cours de self-défense et je viens en classe avec une bombe lacrymogène. »
Position du SNALC :
Le SNALC a préféré ne pas inclure certains témoignages de collègues qui exprimaient leur indignation avec des propos dépassant la bienséance. Mais leur colère est légitime.
L’Éducation nationale devrait assurer la formation de tous les professeurs des écoles en termes de sécurité et de gestes de premiers secours. Dans ce domaine, les enseignants se sentent très peu considérés, voire ignorés, comme lorsqu’on leur impose des animations pédagogiques ou des plans Français Mathématiques qui ne correspondent pas du tout à leurs besoins. C’est la même chose, à ceci près qu’en ce qui concerne la sécurité, c’est bien plus important et bien plus grave, car il en va de la vie d’élèves qui sont sous la responsabilité d’enseignants. Pourtant, la sécurité est la priorité des priorités.
L’allusion faite dans les témoignages à l’événement tragique survenu à Arras fin 2023 rappelle que sans le sang-froid des enseignants, sans un concours de circonstances, sans la présence et le courage de quelques personnels présents, le bilan aurait été sans doute bien plus lourd. Il n’est pas possible de toujours compter sur le bon sens, la chance et la présence éventuelle de quelqu’un. Il n’y aura pas toujours, comme nous l’avons lu dans un des commentaires précédents, une porte derrière laquelle trouver un inconnu qui apportera les premiers secours à un enfant en danger.
Ce qui ressort énormément des témoignages, c’est une double angoisse. L’angoisse que quelque chose arrive mais également l’angoisse de la responsabilité portée par chaque professeur à qui on reprochera de ne pas avoir fait ce qu’il fallait, quand il le fallait. Pour le SNALC, c’est un devoir de l’institution de former tous les personnels de l’Éducation nationale comme il se doit, surtout quand cette formation est susceptible de sauver des vies. Mais comme dans d’autres domaines, la sécurité dans les écoles pâtit du manque de moyens. Pour le SNALC, même si la formation n’empêchera pas les incidents, les professeurs des écoles ont besoin de se sentir rassurés et prêts en cas de problème.
3. LE RÔLE DE LA MUNICIPALITÉ
3.1 Le bâti scolaire
Il y a plus de 50 000 écoles en France, chacune avec des configurations différentes. À chaque école correspond une commune qui a également des positionnements et des budgets différents. La disparité entre les écoles en termes d’équipements de sécurité est donc parfois énorme d’une municipalité à l’autre.
Cependant, il ressort que globalement la sécurisation du bâti scolaire paraît bien insuffisante dans la plupart des écoles. Le versant budgétaire prend presque systématiquement le pas sur celui de la sécurité.
Trop souvent, la balance bénéfices/risques est considérée avec détachement, et les risques potentiels sont gommés par les risques considérés comme avérés, à savoir ceux des statistiques. Autant dire que la prise en compte d’un « risque potentiel » n’est pas à l’ordre du jour des dépenses prioritaires de certains conseils municipaux. Pour exemple, le graphique 11 met en évidence que plus de 52% des personnes sondées estiment que leur école n’est pas équipée d’une clôture sécurisante alors que celle-ci représente la première des protections.
3.2 Communication avec la municipalité
Il ressort de l’enquête que 92 % des collègues interrogés ont déjà sollicité la municipalité pour sécuriser les bâtiments en demandant la mise en œuvre de travaux ou le remplacement de matériels non conformes ou défectueux. Dans la majorité des cas, la communication avec la municipalité est difficile dès lors qu’il est question d’argent.
On constate dans le graphique 12 que dans 45 % des cas, les problèmes ne sont pas corrigés et que dans près de 18 % des cas, il faut des années avant que la demande ne soit satisfaite. Les mairies qui répondent à la demande dans les jours qui suivent ne représentent que 5 %.
En cas d’absence de résolution du problème, l’argument avancé par les municipalités est variable, mais l’aspect budgétaire est le plus souvent évoqué (dans 40 % des cas). Il est frappant de constater que dans 35 % des cas, la municipalité ne donne aucune suite au besoin exprimé.
Citations et témoignages de collègues :
« Ma porte de classe ne ferme plus du tout, j’ai fait classe avec la porte grande ouverte sur le couloir pendant plusieurs semaines, jusqu’au jour où la municipalité a décidé d’intervenir. Un beau matin, la porte défectueuse a été enlevée… mais non remplacée. Je n’ai donc plus de porte dans ma classe et cela fait 4 mois maintenant. Cependant il y a 2 semaines, la municipalité a installé quatre jardinières ornées de magnifiques fleurs. C’est du plus bel effet… »
« Je suis enseignante dans une grande école de 18 classes. Lors de l’exercice incendie l’année dernière, nous étions plusieurs à ne pas être sortis à cause d’un problème de sonnerie inaudible à notre étage. Lors du dernier exercice de cette année, rien n’avait été réparé. »
« Une vitre a été cassée de l’extérieur, une partie en verre de 1,50 m en forme de sapin de Noël – donc pointu vers le haut – est détachée prête à tomber dans la classe. On peut passer un doigt vers l’extérieur. Cela fait trois semaines que j’ai signalé. Rien n’est fait. »
« Ma porte se ferme automatiquement dès qu’on la claque, le système de loquet est mobile. Cela fait 4 fois que je dois utiliser ma carte bleue pour faire sortir mes élèves de la classe. Une seconde porte permettrait de sortir mais elle est condamnée et vissée pour éviter qu’elle ne soit ouverte pour des raisons que j’ignore. Pour ouvrir ma porte avec la carte bleue cela peut me prendre 3 à 4 minutes. Si un jour un incident se déclare, je crains de ne pas pouvoir évacuer. J’ai fait part du problème déjà trois fois. La semaine prochaine un père d’élèves dont c’est le métier va venir voir pour faire quelque chose. »
« Dans ma commune, la clôture ne ressemble plus à rien, et il y a même des trous dans lesquels passent les élèves, la chose est signalée depuis 3 ans maintenant. Mais ma municipalité a préféré dépenser 40 fois plus d’argent et investir dans l’achat de tablettes absolument pas utiles … Bien entendu « des tablettes à l’école » tout le monde le voit, tout le monde en parle, alors que personne n’aurait remarqué la réparation d’une clôture défectueuse. »
4. DISPOSITIFS D’ALERTE
4.1 Logistique et moyens d’alerte
Les questions qui traitent des systèmes d’alerte soulignent à quel point l’école est en retard en matière d’équipements d’urgence, notamment en ce qui concerne les moyens de signalement et de communication
Les sources de dysfonctionnement sont nombreuses et certains dispositifs n’ont que le mérite d’exister, leur efficacité étant loin d’être rassurante. À noter cependant que 13,19 % des collègues travaillent dans une école disposant d’une alerte PPMS reliée à la police, un dispositif qui semble être plébiscité par beaucoup, comme le montrent les témoignages. Si ces 13 % semblent satisfaits de cette connexion avec les forces de l’ordre, les 87 % restants doivent se débrouiller avec les moyens du bord. Lorsqu’on voit que 51,45 % des situations ne trouvent de solution que dans l’utilisation d’une corne de brume ou d’un sifflet – quand ce n’est pas la voix – on comprend à quel point cela peut paraître vétuste et amateur pour bon nombre de professeurs.
Le recours aux moyens de communication personnels, tels que les téléphones portables, est majoritaire. Dans 33 % des cas, cette communication se fait par SMS et/ou par les messageries des réseaux sociaux. À travers les réponses aux différentes questions, il ressort qu’en cas d’urgence, presque 11 % des personnes interrogées sont dans l’incapacité matérielle de donner l’alerte en raison de la configuration du bâti et/ou de l’absence d’équipement prévu à cet effet. Bien que certains collègues expriment des réticences à utiliser leur téléphone personnel pour des raisons professionnelles, il est clair qu’ils feraient une exception en cas d’urgence absolue
4.2 Communication et problèmes de réseaux
Nous nous sommes donc plus précisément intéressés à la qualité du réseau téléphonique, absolument nécessaire pour alerter les secours en cas de problème ou d’accident. Certes, la qualité des réseaux est un facteur extrinsèque à l’Éducation nationale, mais il nous a semblé évident de mettre le doigt sur toutes les failles qui peuvent compliquer, voire rendre impossible, les processus de mise en alerte des écoles. Il n’en demeure pas moins qu’il est troublant de constater que certaines écoles sont, en 2025, dans l’impossibilité d’utiliser un téléphone portable pour appeler l’extérieur.
Lorsqu’on interroge les collègues sur la qualité du réseau téléphonique de l’école, moins de la moitié des enseignants le jugent satisfaisant. Ce réseau est intermittent pour 33 % d’entre eux, inexistant pour 8%.
L’accès au réseau Wi-Fi de l’école, qui pourrait être une alternative aux problèmes de connexion rencontrés sur les réseaux mobiles, n’est guère plus rassurant.
Le graphique 17 montre que le réseau Wi-Fi de l’école n’est satisfaisant que pour moins d’un quart des enseignants. D’autre part, 41 % des collègues déclarent avoir une connexion Wi-Fi intermittente et 35 % affirment n’avoir aucune connexion Wi-Fi dans l’école. En l’absence de réseau GSM, des collègues ne peuvent utiliser ni le réseau téléphonique, ni la connexion 4G ou 5G et certains d’entre eux ne peuvent même pas compter sur la connexion Wi-Fi de l’école.
Le croisement des réponses des graphiques 16 et 17 montre ainsi que 9,9 % des collègues n’ont ni de connexion GSM, ni de connexion Wi-Fi et sont donc coupés du monde en cas d’urgence.
Citations et témoignages de collègues :
« Pour ne pas être dérangée, comme tout le monde, je mets mon téléphone sur silencieux. Sinon cela perturbe le cours à la moindre occasion. Cependant mon téléphone est le seul moyen que j’ai pour être avertie en cas de problème. Je fais comment ? »
« Dans mon école, la directrice a mis en place une chaîne de SMS ; en cas d’urgence nous sommes censés avertir un collègue qui en avertit un autre. Nous sommes sept, cela n’a pas de sens d’autant plus que les remplaçants ne sont pas toujours au courant de la procédure, et cela impose d’afficher nos numéros de téléphone dans les classes. »
« Il faut arrêter les alertes par SMS sur le téléphone personnel de l’agent car quand nous sommes en classe, nous sommes rarement en train de guetter notre téléphone. Que la mairie comprenne l’importance de mettre en place un vrai système d’alarme, efficace, et qu’ils donnent le matériel nécessaire pour le confinement en cas d’intrusion. »
« Nous aurions besoin d’un système lumineux dans chaque classe, ne serait-ce qu’une petite diode qui serait bien plus facile à percevoir et discrète. Pourquoi pas un système de couleurs en fonction des différents types d’alertes ? »
« En début d’année, nous avons chacun reçu un sifflet pour donner l’alerte. Est-ce que c’est sérieux ? »
« Une corne de brume pour 800 mètres carrés et 23 classes ! »
« La mairie a acheté des cornes de supporter de match de foot que chacun a dans la classe. Ça a le mérite pour le coup d’être bien entendu mais en cas d’intrusion, est-ce la solution la meilleure pour ne pas se faire repérer… ? »
« Le directeur peut faire sonner la sonnerie d’entrée des élèves quand il est dans son bureau. Il a été convenu que 5 sonneries était le signal pour signifier une intrusion. Sauf que le bureau du directeur n’est pas près de sa salle de classe et il n’est qu’à moitié déchargé et que le reste du temps, il ferme le bureau à clé car il n’y a personne pour surveiller. Donc il faut que le danger choisisse le bon jour pour arriver. Car rien d’autre n’est prévu. »
Position du SNALC :
Plus que les chiffres eux-mêmes, les témoignages des collègues sont édifiants. Pour le SNALC, les moyens de communication en cas d’urgence ne peuvent pas reposer sur le téléphone personnel des collègues, qui ne sont d’ailleurs pas obligés d’en avoir un à portée de main. De plus, comme cela est évoqué dans de nombreux commentaires, ce téléphone est, dans la majorité des cas, en mode silencieux, voire éteint. Il y a quelques années, nous avions été interpellés par des collègues qui lors d’inspections avaient été critiqués pour ne pas avoir éteint leur téléphone portable et ceci leur avait été préjudiciable dans la note pédagogique attribuée par l’inspecteur, qui avait jugé cela inadmissible.
Pour ce qui concerne les équipements mis en place pour permettre une communication au sein de l’école, comme nous l’avons relevé précédemment, les priorités de la commune sont parfois (très souvent) autres. On préfèrera toujours budgétiser de nouvelles décorations de Noël pour rivaliser avec une ville voisine plutôt que de dépenser de l’argent dans un système d’alarme que personne ne verra et qui « ne servira sans doute jamais ».
On nous dira toujours que la gestion des problèmes matériels relève des municipalités. Cependant, il est fréquent que les mairies ne répondent pas aux demandes des équipes, parfois pour des raisons futiles, comme faire payer aux écoles les décisions prises par certains IEN ou DASEN lors des mesures de carte scolaire. Ce jeu de ping-pong est insupportable : face à l’inaction de la mairie, les collègues se tournent vers les IEN, qui répliquent invariablement que la gestion matérielle de l’école est la responsabilité de la municipalité.
En attendant, rien ne se fait et en cas de problème, même si la responsabilité juridique ne devait pas peser sur les épaules de l’enseignant, il en porterait malgré tout à vie des stigmates et le sentiment ne pas avoir fait ce qu’il fallait comme il le fallait. Ce n’est pas acceptable.
5. LE RÔLE COMPLIQUÉ DU DIRECTEUR D’ÉCOLE
5.1 Les moyens
Si l’enseignant est responsable de sa classe, la responsabilité qui incombe au directeur en termes de mise en alerte et de prise de décisions est considérable. La configuration de l’école peut faciliter la mission de sécurisation de certains directeurs, mais parfois certains équipements s’avèrent nécessaires pour pallier les inconvénients d’un bâti qui n’offre pas les meilleurs atouts pour une protection optimale de l’école.
Parmi les équipements existants dans les écoles, nous constatons encore une fois que les moyens mis en place sont très disparates.
Certaines écoles semblent bien équipées, voire suréquipées, tandis que d’autres n’ont quasiment aucun équipement sécurisant.
S’il est évident qu’un portique ou un tourniquet ne peut équiper toutes les écoles, il ressort des témoignages que beaucoup de collègues aimeraient que certains équipements de surveillance permettant une intervention rapide des forces de l’ordre soient systématiquement installés aux alentours des écoles.
À noter : 47 % des collègues affirment que leur école est équipée d’un visiophone. Si cela semble être assez satisfaisant, cela reste insuffisant pour le SNALC car beaucoup de directeurs non déchargés d’enseignement doivent encore se déplacer en personne pour ouvrir les grilles. Certains d’entre eux se retrouvent parfois plus de dix fois par jour forcés de quitter leur bureau ou même leur classe (alors qu’ils ne sont pas déchargés d’enseignement ce jour-là) pour ouvrir le portail à divers intervenants. Rappelons que le directeur ou la directrice a la responsabilité de l’entrée dans l’école de toute personne.
Dans les questions de l’enquête, il est apparu qu’une école sur deux n’a pas de visibilité sur les personnes qui se trouvent devant l’entrée, on comprend alors mieux l’intérêt de certains équipements énumérés dans le graphique ci-dessous.
Il ressort des témoignages recueillis deux positionnements diamétralement opposés. D’un côté, certains professeurs expriment la volonté de voir les écoles dotées d’équipements de sécurité modernes et sophistiqués. Ils souhaiteraient des établissements équipés de caméras de surveillance couvrant l’ensemble des zones sensibles, de tourniquets pour contrôler les flux d’entrée et de sortie, de services de sécurité présents en permanence, ainsi que de sas de sécurité avec des contrôles systématiques à l’entrée. Ces mesures, selon eux, permettraient de répondre efficacement aux besoins croissants en matière de sécurité scolaire et de garantir un environnement où élèves et enseignants se sentiraient protégés.
À contrario, d’autres professeurs s’opposent fermement à l’idée d’installer ce type d’équipements. Leur position repose sur une conviction profonde : les écoles doivent rester des lieux dédiés à l’éducation ouverts aux échanges, non des espaces assimilables à des institutions carcérales. Pour ces enseignants, multiplier des dispositifs de sécurité qui rappelleraient les prisons risquerait d’instaurer une atmosphère de méfiance, anxiogène, dénaturant ainsi la mission première de l’école. Ils craignent qu’un tel déploiement d’infrastructures sécuritaires n’impacte négativement la perception des élèves et ne fragilise le lien de confiance entre les acteurs de la communauté éducative.
Cependant, une majorité de collègues reconnaissent que si l’équipement et les infrastructures des établissements scolaires sont à ce jour largement insuffisants, la solution ne réside pas forcément dans la multiplication de systèmes de sécurité. Pour ces enseignants, la priorité doit être donnée à des investissements réfléchis et mieux ciblés, susceptibles de renforcer la sécurité tout en respectant la nature et les valeurs des écoles. La surveillance vidéo reste un des équipements de sécurité les plus plébiscités.
Citations et témoignages de collègues :
« Je suis directrice d’école depuis 17 ans ; il y a deux mois nous avons vécu une intrusion qui ne s’est pas bien passée. En effet, je n’ai pas pu donner l’alerte car au même moment qu’un parent d’élève pénétrait dans l’école, un élève en inclusion dans une classe de CE1 retournait tout dans la classe et il a fallu le maîtriser avec la collègue qui était terrorisée. Dans le même temps, le père de famille est venu en découdre avec une collègue avec laquelle il a été violent. Je suis en arrêt depuis quelques semaines car il m’est reproché de ne pas avoir donné l’alerte comme j’aurais dû le faire. Mais nous ne pouvons pas tout gérer. Je ne sais pas si je reprendrai. Il me reste encore 3 ans avant la retraite. Mais une chose est sûre : je ne veux plus avoir de direction d’école. »
« Il y a quelques mois, la mairie a fait mettre en place des caméras qui enregistrent les images systématiquement. Depuis ce temps, nous avons l’impression qu’il y a une prise de conscience par les parents que l’école est un lieu protégé. »
« Depuis l’installation d’un visiophone et d’une gâchette électrique au portail de l’école, ma vie de directrice d’école a changé. Je gagne un temps non négligeable au cours de la journée. »
« Je suis directeur, je ne vois rien de mon bureau ; à chaque fois que quelqu’un sonne, je dois me déplacer, cela me rend fou car depuis peu, c’est un jeu pour certains collégiens de me faire descendre les escaliers pour rien. Je demande un équipement à la mairie depuis 4 ou 5 ans. C’est ingérable seul. »
« Mon école est dans un quartier sensible, les intrusions, les menaces, les agressions c’est tous les deux jours. Aucun collègue ne reste sur son poste plus d’une année, d’ailleurs ils se retrouvent en arrêt maladie avant même la fin de l’année. Alors oui, il nous faudrait tout ce qu’il y a dans les propositions du questionnaire, mais nous n’avons rien de cela. »
« Il y a encore 20 ans, je n’aurais jamais pu imaginer réclamer des caméras pour surveiller les abords de l’école. J’aurais bondi et j’aurais trouvé cela scandaleux qu’un collègue puisse avoir une telle pensée. Mais j’en suis là. Je suis directrice de l’école et j’ai peur de venir travailler. Tous les jours. »
Position du SNALC :
En plus de la charge d’une classe qui incombe à la majorité des directeurs, ces derniers doivent assurer les missions liées à la gestion de leur école. Aujourd’hui, la protection de l’école et la sécurité des élèves et des personnels représentent une lourde charge de travail et de responsabilités.
L’institution estime que le directeur peut et doit tout faire, oublie le fait que la sécurisation est une mission qui doit être assurée en permanence.
Pour le SNALC, le directeur doit veiller à la sécurité de l’école. Le code de l’Éducation spécifie qu’il doit prendre « toutes dispositions (…) pour assurer la sécurité des personnes et des biens (…) ». Dans la réalité, en plus de tout ce qui est demandé par l’institution à la direction d’école, assurer la sécurité efficacement relève d’une mission impossible. Un directeur ne peut pallier seul les défaillances matérielles et techniques qui relèvent des compétences de la municipalité. Un directeur ne peut pallier seul les défaillances de formations qui relèvent de l’institution.
Un directeur d’école ne peut assurer la sécurité que dans la limite de ce qui relève de ses compétences.
5.2 Les interventions et la présence des adultes dans l’École
Si la présence d’adultes dans l’enceinte scolaire peut rassurer certains collègues, la multiplication des intervenants dans l’école est une source d’inquiétude pour un grand nombre de ceux qui ont répondu au questionnaire. Les allers et venues d’adultes pas toujours clairement identifiés sont préoccupants. Les intervenants changent parfois d’une semaine à l’autre et des remplaçants de remplaçants s’enchaînent, rendant pour le directeur le contrôle difficile, pour ne pas dire impossible. Un contrôle d’identité est d’ailleurs plébiscité par de nombreux collègues. Cela souligne l’intérêt des visiophones et autres systèmes de contrôle.
Ce dernier graphique montre que 53% des collègues ont relevé six entrées au minimum d’adultes extérieurs par jour dans leur école et parmi eux, près de 29 % en relèvent plus de 10 (en dehors des parents d’élèves).
Citations et témoignages de collègues :
« Il est possible de rentrer dans l’école en passant par la mairie dont nous n’avons pas les clefs ; il suffit de dire à la secrétaire de mairie qu’on travaille dans l’Éducation nationale et elle ouvre la porte. »
« Avec 400 élèves, nous avons énormément d’intervenants, AESH, remplaçants qui entrent et voyagent dans l’école, impossible de savoir qui ils sont. »
« Il s’est mis en place devant les grilles de l’école un système de parents vigilants qui surveillent constamment les allers et venues aux abords de l’école. Ces parents sont des personnes de confiance qui ont accès à l’école et qui régulièrement interpellent des adultes, pour leur demander ce qu’ils viennent faire dans l’école. Ils ont d’ailleurs une fois interpellé l’inspecteur. »
Position du SNALC :
Pour le SNALC, le graphique précédent reflète la difficile tâche du directeur d’école, qui doit assurer tout au long de la journée, l’ouverture de la grille à des personnes pour lesquelles il n’a ni les moyens ni le temps d’effectuer les contrôles d’identité ou de sécurité qui s’avéreraient indispensables.
Nous avons pu lire dans les témoignages que de nombreux directeurs se retrouvaient contraints de laisser leurs élèves en autonomie à de nombreuses reprises au cours de la journée, dans l’unique but d’aller ouvrir le portail. Face aux risques encourus en laissant sans cesse une classe sans surveillance, bon nombre d’entre eux, en l’absence d’une personne chargée de cette mission, préfèrent missionner un élève de leur classe pour aller ouvrir le portail, avec tous les risques que cela peut engendrer.
Dans les deux cas, le directeur se met en faute car il y a défaut de surveillance ou faute professionnelle.
Une troisième option consisterait à ne pas prendre de risque et ne pas ouvrir la grille à toute personne s’y présentant pendant les heures de classe du directeur et ce, y compris des personnes qui y sont légitimes, à savoir, les éventuels ambulanciers, les infirmières scolaires, les intervenants, les remplaçants, les ATSEM, les AESH, les conseillers pédagogiques voire même les inspecteurs… Inutile de préciser que là encore, le directeur se mettrait en difficulté.
L’accès de l’école à différents adultes dont on ne connaît pas toujours l’identité est un réel problème en termes de sécurité. Le manque de moyens de contrôle en est un autre. Les problèmes de communication constituent un troisième élément, mais le défaut de sécurisation des écoles repose parfois sur l’accumulation de toutes ces failles.
Nous terminerons notre analyse par une dernière donnée qui se passe de commentaire. À elle seule, elle suffit pour comprendre le travail qu’il reste à accomplir en termes de prévention, de formation, d’équipement et de sensibilisation.
Seulement 60 % des enseignants ont signalé que les accès à l’école restent fermés pendant les temps de classe.
Et parmi les 40% restants, plus de 20 % d’entre eux ont signalé un accès continuellement ou fréquemment ouvert permettant d’entrer et de sortir sans contrainte de l’école, au moment où tout le monde est en classe.
Pour quelles raisons ? Problèmes de prise de conscience ? Négligences ? Problèmes matériels ? Les raisons sont diverses mais toujours est-il que les faits sont là.
Citations et témoignages de collègues :
« J’ai répondu jamais parce qu’une porte qui donne accès dans l’école est fermée avec un verrou inaccessible aux enfants mais accessible aux adultes de l’extérieur, car le directeur ne peut pas toujours se rendre à la grille pour ouvrir, donc certes la porte est fermée mais finalement pas vraiment. »
« Après une mauvaise surprise il y a deux ans, le directeur demande désormais systématiquement de décliner l’identité et le motif de la visite des personnes qu’il n’a jamais rencontrées, ce qu’il ne faisait jamais auparavant. »
« Lors des fortes chaleurs, il est impossible de tenir dans les classes sans courant d’air et le seul moyen est d’ouvrir une porte qui donne sur l’extérieur. »
« L’accès à la cantine se fait par l’école ; à partir de 11h les personnels de la cantine qu’on ne connaît pas toujours traversent la cour et les couloirs. »
« L’école est fermée mais le local communal étant dans la cour de l’école, le personnel de la commune préfère passer par une porte qu’il ne referme jamais. Donc cette porte est constamment ouverte. »
« Les WC ont deux portes dont une qui donne vers l’extérieur et qui ne ferme plus ce qui est problématique. La mairie ne fait rien depuis plus d’un an maintenant. »
Position du SNALC :
Même si une école est équipée de tous les dispositifs techniques nécessaires pour garantir sa sécurité, sa sécurisation passe avant tout par l’humain. En effet, tout dispositif, aussi performant soit-il, ne remplacera jamais les ressources humaines.
Dans le second degré, un certain nombre de personnels n’ont pas de charge de classe et se trouvent ainsi plus disposés (même si ce n’est pas leur rôle premier) à surveiller, contrôler, intervenir ou alerter. Il s’agit des AED, des personnes chargées de l’accueil, des agents au service de l’établissement, de l’administration, de l’intendance, du secrétariat, sans compter les divers assistants de laboratoire ou de langue, etc.
Dans le premier degré, c’est le directeur qui est chargé de surveiller, contrôler, intervenir ou alerter. Assurer la sécurité et agir pour la protection des personnels et des élèves de l’école ne peut pas reposer uniquement sur les épaules du directeur ou de la directrice. C’est là la première faille dans la sécurité à l’école primaire : il manque un ou plusieurs adultes affectés à temps plein dans l’école et détachés d’obligations d’enseignement.
L’évolution de la société et la complexification du métier de directeur d’école obligent à une nouvelle réflexion. Il n’est plus concevable de laisser les directeurs sans aide humaine et pérenne. Ils ont besoin d’une personne qui, en plus de les assister administrativement, doit être formée spécifiquement aux problématiques des écoles et de leur sécurité, et par la même habilitée à seconder le directeur dans tout ce qui relève de la sécurité de l’école.
Le SNALC réitère sa revendication : il est plus qu’urgent qu’un agent puisse venir seconder le directeur et jouer un rôle dans le domaine de la sécurité.
Cette enquête du SNALC a été adressée à tous les professeurs des écoles de l’Éducation nationale les 15 & 27 mars 2024.