Il y a bien maintenant 4 ans à l’occasion d’une recherche sur le site education.gouv.fr j’ai pris la décision pertinente de m’abonner aux Bulletins Officiels. Et depuis lors, je reçois toutes les semaines la publication du B.O. ce qui m’a permis de prendre conscience qu’au sein de notre belle institution, il y a des personnes qui passent le plus clair de leur temps à réfléchir, penser puis rédiger toutes sortes de paragraphes officiels au lieu de… transmettre savoirs et compétences.
Dans un Ministère qui se dit de l’Éducation nationale, alors que la chasse au gaspillage et donc par extension la chasse aux sorcières « dépensières et fainéantes » est lancée tandis que nos représentants s’évertuent à faire voter un budget national sous peine d’un éventuel « shutdown » à l’américaine, cela laisse pensif… Je vous laisse y réfléchir.
Or il y a deux semaines, le 14 novembre 2024 à 19h28 pour être précis, je découvre dans ma boîte courriel le Bulletin Officiel n°43 du 14 Novembre 2024. Je ne sais pas ce qui m’a pris ce jour-là, une inspiration ou une alerte de mon inconscient, mais j’ai entrepris de me montrer « curieux ». J’ai fait défilé les rubriques et j’ai rapidement été intrigué par une belle photo intitulé « Le Choc des Savoirs ». Nom d’une pipe en bois ! Mais de quoi s’agit-il ? Je clique et bascule sur une page du ministère de l’Education nationale (il s’en est fallu d’un cheveu que je passe à côté de quelque chose de capital…). Intrigué, je fais défiler les lignes et découvre angoissé :
« Les nouvelles mesures de l’Acte II
Refondation des programmes scolaires
Une refonte complète des programmes de français et mathématiques, de la maternelle à la 3è, et des programmes de langues vivantes de la 6è à la terminale, est engagée avec des repères clairs à chaque niveau »
Ah bon ! Parce qu’avant nous travaillions à partir de programmes dont les repères étaient incertains ?! Une sorte de brouillon de programmes ?! Mais vous ne nous prendriez pas pour des imbéciles par hasard ? Et dire que nous allons devoir avaler des couleuvres quand les inspecteurs de langues vont venir essayer de nous faire avaler cette énième pillule ! Vous n’en avez pas marre de les envoyer face aux professeurs prendre les « coups » et les invectives qui vous sont en toute logique dévolus ?
Mais n’ayons pas peur et faisons défiler lignes et paragraphes pour continuer la lecture écœurante de cette page qui prend les professeurs pour des imbéciles certifiés.
« Les mesures mises en place à partir de la rentrée 2025
Application de nouveaux programmes de langues vivantes en 6è, 2nde, 1ère et Terminale ;
(…) »
Alors là, c’est le coup de bambou pour les professeurs de langues vivantes au Lycée. 6 ans après avoir trimé et bousillé leur vie personnelle et familiale pour constituer des séquences et des évaluations (entre 4 & 5 séquences complètes par an et par niveau), ils vont devoir recommencer avec le nouveau joujou de la nouvelle ministre de l’Éducation nationale Française. Pourquoi ? Parce que le niveau des élèves français n’est pas à la hauteur des attentes.
Mais, Madame la Ministre et Messieurs les Hauts Fonctionnaires, vous ne vous êtes jamais dit que ce n’étaient pas les programmes le problème mais plutôt les élèves et le regard qu’ils portent sur l’école ?
Vous ne vous êtes jamais dit que ce ne sont pas les professeurs le problème, mais plutôt les familles et l’absence de respect de ces dernières envers les enseignants et l’école ?
Vous ne vous êtes jamais dit que l’École, quoi qu’on puisse en penser, qu’elle que soit la croyance ou la doxa ambiante est par essence un lieu contraignant puisqu’on demande à un être manquant de maturité (laquelle définit la sagesse, la pondération et la capacité à réfléchir au moyen d’arguments) de mettre de côté ses loisirs et ses centres d’intérêt ludiques pour s’investir non seulement pour son avenir mais aussi pour contribuer à l’avenir de la Nation. C’est la définition même de la contrainte. Ne pas faire ce que l’on souhaite mais ce que « l’autre veut que vous fassiez ». Et forcément lorsqu’il y a contrainte, il y a opposition.
Ce dont l’École a besoin, ce dont les professeurs ont besoin, ce n’est absolument pas de nouveaux programmes qui bousilleront leurs vies privées sans rien changer au niveau des élèves tout en faisant perdre un temps précieux à la Nation.
Ce dont l’École a besoin et ce dont les professeurs ont besoin c’est d’un retour rapide de l’autorité, des sanctions fortes qui redonnent le pouvoir aux enseignants contre la volonté des élèves et même des parents si nécessaire. Après tout, en France, l’École est gratuite, à la différence d’un très grand nombre de pays dans le monde. La France a fait le choix d’investir l’argent du contribuable, c’est-à-dire une partie des impôts de chaque citoyen dans la formation des jeunes générations afin que chaque enfant puisse développer les capacités qu’il recèle pour assurer la relève des générations vieillissantes sans contribution financière additionnelle imputée aux familles. Nous sommes en droit de demander un retour sur investissement à chaque élève qui bénéficie des largesses des contribuables français.
La dernière refonte des programmes de Langues étrangères au lycée (où j’enseigne) remonte à la mise en œuvre de la Réforme du Lycée et du Baccalauréat, c’est-à-dire la Rentrée 2019 ! Il y a 6 ans à peine ! Un travail de Titan ! Construire une séquence ne se conçoit pas en claquant des doigts ni en chantant « Higitus Figitus » la chanson de Merlin l’Enchanteur de Disney. Loin de là ! Très loin !
Il s’agit d’un travail prenant et chronophage qui mord très souvent sur notre temps personnel et nos vies familiales ; mais cela c’est du travail invisible qui fait dire à nos concitoyens que nous sommes des « fainéants », la raison pour laquelle je les invite à venir faire un stage d’un mois dans nos classes. Je les laisserai tout préparer, tout animer, tout évaluer… Nous verrons bien alors si nous sommes toujours aussi « feignasses ».
Cela fait donc à peine 6 ans que les « nouveaux programmes » sont en fonction et comme le niveau des élèves n’augmentent pas, bien au contraire ce fameux niveau régresse, Mme La Ministre veut changer les programmes.
Si vous voulez que le niveau en langues vivantes en France, change Mme la Ministre, ne changez pas les programmes. Par pitié ! Au contraire, allégez-les ! MAIS… ajoutez-y de vrais cours de grammaire, de conjugaison, d’orthographe et de phonologie avec des évaluations de connaissances qui obligeront les élèves à utiliser, développer et entraîner leur mémoire, laquelle est tristement vide aujourd’hui.
Cette mesure est valable en Français ! Aujourd’hui lire une copie de français est incompréhensible tant l’orthographe, la syntaxe, la ponctuation, la grammaire et la conjugaison de nos jeunes sont illisibles. Sans parler de la calligraphie. Ils ne savent plus écrire sur les lignes. C’est sans doute inutile !
Vous voyez les mesures sont simples. Pas besoin de grand discours. Juste un peu de bon sens. Si des mesures ont fonctionné pour nos anciens, elles fonctionneront aussi pour nos jeunes.
Si vous voulez que le niveau dans toutes les matières augmente : INTERDISEZ le poison du cerveau qu’est le téléphone portable dans TOUS les établissement scolaires, de la MATERNELLE au LYCEE. Ne pas prendre cette mesure, reviendrait à nous dire clairement que vous vous moquez comme d’une guigne de l’avenir de nos enfants. Le poison est là, visible, entre leurs mains : les écrans quels qu’ils soient ! Ils sont drogués aux écrans et comme tous bons drogués : agressifs !
Mais au lieu de prendre des mesures simples qui ont fait leurs preuves par le passé, vous vous évertuez à inventer des Usines à Gaz vouées à l’échec et qui vont pourrir la vie des agents de terrain dont bien entendu vous restez éloignée.
Alors, Madame GENETET, très chère Ministre de l’Éducation Nationale, surtout continuez sur la voie que vous venez de tracer. Vous allez TOUT gagner. « Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin, elle se casse ! », dit le proverbe. A force de prendre les professeurs pour des imbéciles, ignares que vous pouvez faire trimer sans relâche, à qui vous pouvez manquer de respect continuellement, à qui vous pouvez imposer de faire et refaire leurs préparations de cours en croyant que c’est parce que les professeurs trimeront que les élèves progresseront, vous allez gagner UNE SEULE & UNIQUE chose qui est déjà en train de se produire sous vos yeux aveugles : la désaffection du métier d’enseignant !
Déjà, les concours de recrutement restent ouverts plus longtemps que prévus, preuve s’il en était besoin qu’à force de payer avec un lance-pierres (1,2 SMIC) des personnes hautement diplômées et qui ont fait la preuve (Concours de recrutement) de leur haut niveau de compétences, que le métier et la carrière d’Enseignant n’attirent plus grand monde.
Si la profession ne recrute plus assez d’enseignants compétents et qualifiés, qu’adviendra-t’il des enfants de la Nation quand ceux qui sont aujourd’hui en postes vont partir à la Retraite ?
Vous continuerez de recruter sur des sites d’échanges Internet ? Misère !
Que vont apprendre les futures générations ?
Qu’adviendra-t’il de ce Ministère de l’Instruction Publique dont la responsabilité première était d’être l’Ascenseur Sociale de la Nation ?
Le SNALC n’a de cesse de vous le répéter : REVALORISER le salaire des enseignants ! C’est urgent ! Et si je pouvais me permettre de vous donner à vous, Madame la Ministre, ce petit mais précieux conseil : FICHEZ LA PAIX AUX ENSEIGNANTS !!!! Ils sont diplômés et compétents ! Ils savent ce qu’ils ont à faire pour transmettre les savoirs et les compétences aux jeunes générations. Mieux que vous !
Mais peut-être faudrait-il aussi revoir de façon urgente la place des familles au sein des établissements scolaires ainsi que les sanctions applicables à tous ceux qui ne respectent pas l’investissement de la Nation dans l’instruction des jeunes générations. Quand il y a gratuité, il y a forcément quelqu’un qui paye et ce « quelqu’un » c’est le contribuable. Donc chacun des citoyens !
Si vous pouviez vous concentrer sur ces points-là, il y a fort à parier que le niveau de nos élèves augmenterait.
J’écris cela, je n’écris rien !
Mais essayez… Pour voir… Histoire de changer de rengaine… Des fois que cela fonctionnerait… Vous risqueriez de laisser votre nom dans l’histoire de l’Éducation Nationale. Voilà un argument qui devrait vous séduire.