Que faisons-nous quand l’explication que nous donnons en classe semble difficile à comprendre par nos élèves ? Que faisons-nous quand les résultats de l’évaluation d’un élève sont catastrophiques ? Que faisons-nous quand l’IEN critique notre façon d’enseigner ? Nous, professeurs des écoles, avons tous la même réaction. Notre engagement pour l’école, notre conscience professionnelle et notre désir de faire en sorte que les apprentissages que nous dispensons soient les plus efficaces possible nous poussent systématiquement à remettre nos méthodes en question. Pour être meilleurs la fois suivante, et ce, sans prétention, notre seul objectif étant la réussite des élèves.
Peu de métiers exigent autant de remise en question. Le professeur des écoles s’interroge sans cesse sur ses méthodes pédagogiques et cherche toujours à s’améliorer. L’analyse permanente et la perfectibilité font partie de son quotidien. Il est plus difficile que dans les années 1980 de réinvestir le travail de préparation d’une année à l’autre. Le métier a changé et l’évolution du public nous oblige à concevoir sans cesse une nouvelle approche didactique.
En outre, instabilités, incertitudes et changements perpétuels contribuent à la complexité et donc à la pénibilité du métier de professeur des écoles.
Aussi, il serait stupide et complètement dépassé de penser que notre temps de travail se résume à 24 heures par semaine, 6 mois de l’année, en occultant les nombreuses heures de préparation le soir, les week-ends et même pendant les vacances, en occultant également ce temps considérable de remises en question – voire d’autocritiques – dans l’intérêt des élèves. Heureusement, rares sont les personnes qui ont encore cette conception surannée du métier de professeur. J’inviterais d’ailleurs ces dernières à venir enseigner en classe un mois durant pour se rendre compte de l’ineptie de tels propos totalement déconnectés de la réalité.
De nos jours, le professeur le plus à même de savoir comment enseigner à ses élèves n’a plus vraiment, à son grand regret, la possibilité de choisir le meilleur pour sa classe. Il doit le plus souvent composer, voire jongler, avec une formation insuffisante ou inexistante, avec une réalité du terrain spécifique aux élèves dont il a la charge à l’instant T et avec des objectifs ministériels souvent en totale inadéquation avec les besoins de ses élèves. À cause de ces conflits permanents, la perte de temps est monumentale, la satisfaction rare et la démotivation profonde.
Il y a une bonne dizaine d’années, le professeur se posait essentiellement ces questions : « Comment vais-je enseigner cette notion ? Comment vais-je rendre cette séquence captivante ? Comment vais-je susciter l’envie d’apprendre à mes élèves ? Quelle approche vais-je utiliser ? », en quelques mots, tout ce qui faisait le plaisir d’enseigner. Aujourd’hui, ces questionnements sont parasités par d’autres réflexions qui obnubilent le professeur chaque soir : « Comment faire demain pour tenir dans ma classe ? Comment gérer l’ingérable ? Comment résister jusqu’à la retraite ? »
Alors si j’étais vous, Monsieur à la vision étriquée, je modérerais mes propos. S’amuser à dire que la France n’a pas les moyens d’avoir un million d’enseignants, alors que les plus jeunes ne veulent plus exercer ce métier et que chaque année de plus en plus de collègues abandonnent, ce n’est pas bien ! Ce n’est pas rien.
Article publié dans la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1495 – École du 29 novembre 2024