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Fin d’année … enfin !

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Rarement une année scolaire n’aura été aussi déprimante et épuisante !

Rarement nous n’aurons espéré avec tant de ferveur la fin des cours !

Entre la « reconquête du mois de juin » et les conseils de classe galvaudés du troisième trimestre, que reste-t’il de nos missions d’instruction ?

Parlons tout d’abord de cette « reconquête du mois de juin » qui nous a occupé toute l’année. L’annonce en septembre pouvait être intéressante. Et je m’y suis laissée prendre ! Mais j’aurais certainement dû savoir mieux que cela. Avec notre ministère, il n’y avait vraiment rien à espérer, en réalité. Je pensais, dans ma candeur naïve, qu’au lycée, nous allions pouvoir emmener nos élèves de Seconde jusqu’aux alentours de la mi-juin, mettre en œuvre les conseils de classe vers le 15 juin et ainsi bénéficier de 15 jours à 3 semaines de plus d’enseignement, de sérieux, d’apprentissage. Que nenni ! Des stages de 15 jours entre le 17 et le 28 juin ! Dès le début d’année, les élèves ont commencé à regimber : « un stage, on en a déjà fait un l’an dernier ! », « Ca va être galère à trouver, déjà l’an dernier… » Et oui, parce que pour les élèves de troisième, c’est déjà un problème, mais cette année, on a rajouté les élèves de Seconde. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que les entreprises ont-elles aussi sacrément regimbé. A l’heure où je rédige cet article, les 37 élèves de ma classe de seconde n’ont pas tous encore leur(-s) convention(-s) de stage signé(-es) ; oui, parce que la plupart des élèves doivent se trouver plusieurs stages, de bric et de broc, 2 jours par-là, 3 jours par-ci et ainsi de suite à concurrence des 2 semaines exigées par le Ministère. Une folie qui nous aura pourri la vie pendant un an quand parents et enseignants rêvaient tout simplement de pouvoir avoir 3 semaines d’enseignement reconquises sur le mois de juin.
Certains argueront de façon tonitruante qu’il faut organiser le Baccalauréat. Je vous répondrai que les Rectorats sont capables de réquisitionner une salle événementielle et sportive pour faire passer les épreuves de CAPES et Agrégation à plusieurs centaines de futurs professeurs, il doit être possible de faire la même chose pour les épreuves de Spécialités du Baccalauréat. Et si les professeurs de langues sont convoqués pour les oraux de spécialités, il doit être possible sur ces jours-là d’organiser des révisions sur d’autres matières. Tous les enseignants ne sont pas réquisitionnés. En bref, quand on veut, on peut !
Ajoutons à la description de cette catastrophe éducative qu’est le Stage de Seconde, que les conseils de classe de Seconde et de Première se sont déroulés entre le 20 et le 31 mai et vous aurez une idée de l’étendue de ce non-sens pédagogique.
J’attire enfin votre attention sur les aspects légaux mentionnés dans la « Convention de Période de Séquence d’Observation en milieu professionnel ». Je vous la fais courte. En résumé, les élèves ne peuvent qu’observer et n’ont pas le droit de faire quoi que ce soit pendant ces 2 semaines. En bref, ils vont se contenter de rester assis dans un coin et observer du coin de l’œil les professionnels travailler tout en gardant leurs 2 yeux rivés sur l’écran de leur téléphone portable. Superbe ! Très instructif ! Si encore, ils avaient pu faire quelque chose, n’importe quoi, « mettre la main à la pâte ou dans le cambouis », être investis, sentir de façon tangible ce qu’on attend d’eux quand ils auront quitté l’école, vivre vraiment le monde professionnel, la dure réalité de se lever le matin pour atteindre un objectif qui permet de gagner un salaire… là, je ne dis pas, cela aurait pu être instructif ! Mais non ! Il s’agit d’une séquence d’observation. Donc, ils ne feront rien ! Tout le contraire de la pédagogie actionnelle que nous devons mettre en œuvre dans nos cours. Absurde ! Au final, c’est tout et l’envers de tout. Comme d’habitude ! Epuisant, nerveusement.

Abordons ensuite, les conseils de classe d’orientation en seconde. Depuis le début d’année, tous les professeurs principaux s’escriment à expliquer aussi bien aux élèves qu’aux familles que l’orientation en seconde est cruciale, qu’il faut s’investir dès la rentrée scolaire, bien réfléchir à son orientation professionnelle qui déterminera le choix d’études supérieures que l’on fera après le baccalauréat et ainsi sélectionner les enseignements de spécialités qui permettront de postuler à ces formations supérieures. Tous les ans, j’ai droit à ces mêmes réflexions aussi bien d’élèves que de parents qui me lancent : « Mais si nous venons dans un lycée général, c’est que nous ne savons pas ce que nous voulons faire plus tard. » ou « Ne trouvez-vous pas qu’ils sont un peu jeunes pour se déterminer en seconde ? » Merci ! Je suis au courant ! Et tous les ans, il me faut répéter la même chose : « Ce que je pense n’a aucune importance, ce n’est pas moi qui décide ; je n’ai pas conçu la réforme, mais si vous n’êtes pas d’accord, je vous en prie, n’hésitez pas à le faire savoir à notre ministre. Nous, on ne nous écoute pas. Vous aurez peut-être plus de chance. » Il faut croire que personne n’a jusqu’à présent pris sa plus belle plume pour trousser une lettre bien sentie.
Tous les ans, j’explique qu’il est nécessaire de s’investir dans les matières qui seront choisies comme enseignement de spécialité, que la marche est haute entre la Troisième et la Seconde, et encore plus entre la Seconde et la Première avec enseignements de spécialités, que le premier trimestre est essentiel comme le second et que le troisième trimestre n’est pas déterminant mais qu’il confirme l’investissement dans l’acquisition des compétences au cours des premier et deuxième trimestres. Et patati et patata… Et tous les ans, nous avons ces cas compliqués qui au Conseil de Classe du troisième trimestre donnent lieu à des débats sans fin. Ces cas qui demandent une Première Générale avec des moyennes catastrophiques. Ces cas qui demandent des enseignements de spécialités dans des matières où ils obtiennent des moyennes en dessous de la moyenne (6 en math, 7,5 en PC ou 8,5 en SVT, par exemple) parce qu’ils veulent postuler en CPGE BCPST pour suivre des études vétérinaires ou en CPGE MPSI ou PSCI pour suivre des études d’ingénierie. Ces cas occasionnent des débats interminables sur la non-adéquation de l’orientation avec l’investissement en classe et donnent lieu à des conseils de classe qui durent plus de 2 heures. Evidemment, le Conseil de Classe refuse l’admission en première générale et propose une admission en voie technologique voire parfois en voie professionnelle.


C’est à ce moment que commence l’irrationnel qui n’est qu’un manque complet de respect pour les professeurs. Les familles prennent alors rendez-vous avec le chef d’établissement et après un entretien et avoir expliqué « le beau projet » professionnel de leur enfant obtiennent avec des moyennes désastreuses une admission en première générale avec des enseignements de spécialité dont nous savons tous, dans les équipes pédagogiques, que cela ne les mènera nulle part, au mieux, et vers un échec annoncé, au pire.
Il faudra tout de même m’expliquer en quel honneur ou grâce à quelle compétence miraculeuse, un chef d’établissement, réputé « incompétent en matière pédagogique » parce que ne pouvant pas maîtriser toutes les matières de son établissement, peut invalider la décision d’un conseil de classe.


J’aimerais aussi qu’on m’explique à quoi cela sert que nous prenions 2 heures pour délibérer quand les décisions rendues sont cassées dans le bureau du chef d’établissement. C’est un camouflet magistral asséné aux équipes ! Un manque de respect manifeste !
Il est cependant à souligner qu’au terme de l’article D.331-34, le chef d’établissement doit rencontrer et informer l’élève et sa famille dans le cas où le souhait formulé par eux ne rencontrerait pas l’adhésion du conseil de classe. Si la décision est différente du souhait formulé, le chef d’établissement doit formuler une motivation signée du refus de l’octroi du souhait formulé par l’élève et sa famille. Et c’est sans doute là que réside la décision finale de casser l’arbitrage du conseil de classe pour accorder à l’élève dont les résultats ne le permettent pas un passage voué à l’échec. Rédiger une telle motivation équivaudrait à une perte de temps probablement jugée inutile ; les parents ayant par la suite la possibilité de faire appel. Ce ne serait toutefois pas si inutile que cela car ce serait la marque du respect du chef d’établissement pour le travail et le temps passé par ses professeurs à accompagner les élèves dans leur parcours scolaire et d’orientation. Le respect, cet élément indispensable qui fait défaut de nos jours dans les rouages de notre institution. Certes, il est ensuite nécessaire pour le professeur principal de « plaider » la décision de l’équipe pédagogique en commission d’appel. Et alors ? Soutenu par une équipe motivée et respectée par son chef d’établissement c’est faisable (je l’ai fait et j’ai gagné). C’est juste et équitable. Et c’est honnête pour tous, l’élève, ses parents, l’équipe pédagogique et les autres élèves de la classe. On peut même ajouter que c’est pédagogique et donc formateur pour tous les membres de la communauté éducative.

Mais que va-t’il advenir de cet élève de Seconde accepté en Première Générale avec HLP (moyenne de français en seconde : 9,5), HGGSP (moyenne d’Histoire-Géo en seconde : 8,25) et SES (moyenne en seconde : 12), le reste de ses moyennes du tronc commun à l’avenant avec un effondrement significatif en Math, PC et SVT, parce qu’il souhaite suivre des études de Droit, une matière qui requiert un investissement significatif et un intense travail de mémorisation ? N’est-il pas tragique de le laisser croire que tout se passera comme il le souhaite et que ses parents le sortiront toujours des soucis ? Une fois en Faculté de Droit, les interventions familiales ne pourront plus le sauver. Combien d’élèves ont vu leurs rêves s’effondrer depuis que les décisions des Conseils de Classe sont invalidées par les familles ? Est-ce bien là de la bienveillance ? Permettez-moi d’en douter !

Autour de moi, ils sont nombreux les élèves qui ont fait trois petits tours dans les études supérieures et sont sortis violemment du système rappelés à la dure réalité : ils ne sont pas au niveau ! Ils n’ont pas acquis les compétences. Mais on le leur a fait croire. A la Toussaint, parfois à Noël, c’est fini. Ils sont dépassés. Ils arrêtent leurs études. Et au mieux, ils prennent un emploi (bien loin de leur rêve initial) au pire, ils végètent, victimes d’un burn-out ou d’une dépression, au fond de leur lit. Le fils de mon voisin, mon neveu, ma nièce recalée à la fin de sa première année de Médecine pour 2 centièmes de point, après avoir suivi l’intégralité des cours en visio-conférence depuis sa chambre d’étudiante par manque de salles de cours et de professeurs, et condamnée à arrêter Médecine pour suivre sa filière « Mineure ». Ce n’était pas son rêve initial. Et bien d’autres !
C’est cela la bienveillance dont on nous rebat les oreilles ? Posons-nous la question !

On dit que faire et refaire, c’est toujours travailler ! Peut-être mais dans le vide ! Et c’est ce que cette année a exigé de nous ! Nous avons fait, défait, refait, dans n’importe quel sens et n’importe quoi. Ce n’est pas le métier des enseignants.

Jamais, il n’y a eu autant de burn-out, de dépressions générées par des chefs d’établissement se comportant comme autant de petits despotes autoritaires oubliant les lois les plus élémentaires du travail, de démissions et ruptures conventionnelles. Mais que veut donc l’Éducation Nationale ? Des enseignants recrutés sur ebay « à l’arrache », bien serviles parce que contractuels et craignant pour leurs lendemains. Sont-ce là les enseignants « bien formés » (dont on nous rebat aussi régulièrement les oreilles) qui enseigneront à nos enfants les compétences indispensables pour affronter un avenir où la concurrence sera planétaire ?
Quand l’enseignant a peur pour son propre avenir, il ne peut pas enseigner sereinement. Au contraire il devient servile et c’est cette même servilité qui devient dangereuse car alors toutes les aberrations deviennent possibles comme d’enseigner que la terre est plate si cela permet de conserver son emploi une année de plus.

Mon Dieu ! Qu’avons-nous fait à ce magnifique outil de feu la prospérité française ? Qu’avons-nous fait à ce Ministère de l’Instruction Publique qui avait fait éclore des talents français au service de l’humanité tels que :

  • Pierre-Gilles de Gennes (1932 – 2007), Prix Nobel de Physique en 1991 pour ses recherches sur les cristaux liquides et les polymères,

  • Françoise Barré-Sinoussi (1947) et Luc Montagnier (1932 – 2022), Prix Nobel 2008 pour leurs travaux sur le virus de l’immuno-déficience humaine (VIH),

  • Alain Aspect (1947), Prix Nobel de Physique pour ses recherches sur l’intrication quantique et les inégalités de Bell,

  • Anne L’Huillier (1958), Prix Nobel de Physique 2023 pour ses contributions à la science attoseconde,

  • Emmanuelle Charpentier (1968) Prix Nobel de Chimie en 2020 pour les « ciseaux génomiques » CRISPR-Cas9,

  • Thomas Pesquet (1978) astronaute français,

et bien d’autres encore.

Où est passée l’excellence française qui avait permis :

  • la découverte du principe de la vaccination, la sérothérapie, du tulle gras, le BCG, le vaccin anti tétanos, etc…

  • L’invention du sonar, du turbocompresseur, de la Micheline, etc…

  • la conception des Caravelles, du Concorde, du Nucléaire français fournissant une électricité décarbonée et peu onéreuse, d’AIRBUS, de la fusée ARIANE, du TGV, et de tant d’autres encore.

Dieu que je suis lasse de voir tant de gâchis être commis dans nos écoles faute d’ambition et par manque de bienveillance justement.


Car refuser de dire la vérité aux familles, masquer les manques et laisser faire les parents qui refusent de s’opposer à leurs enfants c’est de la malveillance. De la malveillance envers nos élèves à court terme, de la malveillance envers les familles qui vont devoir affronter la dure réalité une fois dans le supérieur sans possibilité de s’opposer aux résultats désastreux de leurs enfants qui donneront lieu à des décisions sans appel. Mais c’est aussi de la malveillance envers le pays tout entier qui se prive ainsi d’un potentiel qui aurait pu éclore pour peu qu’on ait laissé aux professeurs des écoles, du Collège et du Lycée le soin de faire correctement et sans négociation un métier qu’ils savaient si bien faire auparavant et qu’on a lentement mais sûrement totalement vidé de sa substantifique moëlle pour ne laisser qu’une coquille vide et donc inefficace.


Notre institution comme notre métier et nos missions ont été dévoyés et n’ont donc plus de sens.


Avoir voulu être bienveillant envers les familles en les laissant entrer dans l’école, c’est avoir condamné la Nation à ne plus pouvoir compter sur son vivier naturel de forces vives capables de prendre la relève pour le bien de tous. C’est cela la pire des malveillances et nous n’allons pas tarder à nous en mordre les doigts.

Et pour conclure, quand le constat est si catastrophique, quand des professeurs sont décapités dans la rue (feu Samuel Paty) ou poignardés dans leurs salles de classe (feu Dominique Bernard et Agnès Lassalle ou cette professeur d’anglais de Chemillé-en-Anjou heureusement toujours en vie), quand les téléphones portables menacent la tranquillité des cours et quand les réseaux sociaux appellent à la haine tous azimuts, que nous propose notre très chère Ministre de l’Education ? Revoir la Carte Scolaire ! Comme si cela allait changer quoi que ce soit au capharnaüm sans nom qui règne actuellement au sein de l’Éducation Nationale française ? Misère !!!!

Vivement que cela s’arrête ! Je suis épuisée et à ce stade, j’en ai vraiment ras-le-bol.