Julien Keller est un jeune professeur de français idéaliste. Il veut être le prof « qu’on n’oublie pas », celui qui donne aux élèves le plaisir d’apprendre et le goût de l’effort. Au détour de l’analyse du poème de Ronsard, « Mignonne, allons voir si la rose », Julien adresse des compliments à une élève timide en voulant illustrer une figure de style. L’élève visée est manifestement gênée. La classe, qui a pris la remarque au premier degré et prête au professeur d’autres intentions, et se met à le chahuter. La situation va alors dégénérer, l’élève rédigera sous l’influence de deux camarades une lettre accusant son professeur de harcèlement.
En sortant du cadre – on apprendra que Julien a invité quelques élèves au restaurant – et peut-être en surestimant les capacités de ses élèves à comprendre toutes les subtilités de la langue française, Julien se met en danger. Le film thématise le difficile équilibre à trouver, pour tout professeur, entre fermeté et autorité, bienveillance et pédagogie. Mais l’institution surtout est pointée du doigt : elle se montre incapable d’accueillir correctement le témoignage de la jeune fille, optant directement pour une confrontation entre le professeur, l’élève et le frère de celle-ci, un être violent, qui menacera Julien de mort. La parole de l’élève est placée sur un pied d’égalité avec celle de l’enseignant, acculé, sommé de se justifier. Pire, la hiérarchie ne prend aucune mesure pour le protéger : le principal du collège refuse de porter plainte au nom de l’établissement et n’évoque même pas avec lui son droit à la protection fonctionnelle. Car il s’agit avant tout de ne « pas faire de vagues ».
Si le film thématise bien la solitude d’un enseignant menacé de mort face à la lâcheté, voire l’impuissance de l’institution, il évite soigneusement le thème de l’islamisme à l’école à l’origine d’un grand nombre de tensions comme le montre l’actualité récente. Néanmoins, il met en évidence les mêmes mécanismes implacables qui ont conduit à l’assassinat de Samuel Paty et Dominique Bernard. Pour le SNALC, le film est en cela salutaire. Il appelle l’État à prendre ses responsabilités.
Article paru dans la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1489