J’étais voyez-vous depuis quelques jours en pleine méditation sur le sens de la vie – comme souvent lorsque je me repose sur mon siège de bureau en tirant quelque taffe de ma pipe ou en contemplant, entre deux mails syndicaux, ma maigre bibliothèque – perdu dans un de ces moments où l’on se pose des questions. Des tas de questions. Souvent des questions bien ordinaire d’ailleurs. Et dans ces moments-là, comme tout enseignant, on s’écarte rarement des sujets qui concernent notre métier, alors remarquant que certains droits étaient parfois délaissés par mes collègues, voilà que je demandais « si un représentant syndical aide les enseignants qui font appel à son syndicat, n’a-t-il pas le devoir de faire aussi connaître les solutions qui marchent ? Même si elles marchent avec un déambulateur et une hanche artificielle ? » Car loin d’être une solution Miracle, la retraite progressive reste un droit, certes un droit que l’état a bien élagué mais cela reste un droit et bien utilisé, dans certains contextes (ou sur un malentendu), il peut fournir une aide précieuse.
Et comme disait ma grand-mère, les droits c’est comme les doigts de pieds, on n’en a pas beaucoup et c’est toujours plus douloureux d’en perdre un sur un coin de meuble que d’en avoir un de plus (la polydactylie, ça existe oui), alors autant y faire attention. D’autant qu’un précédent ministre, un certain Jean-Michel Tablebasse a fait en quelques années plus de dégâts sur le sujet que la commode mal positionnée de mamie n’en a fait en 50 ans (Ne faites pas attention à mes difficultés avec certains noms, le médecin dit que c’est sûrement lié au choc traumatique et que cela arrive souvent aux anciens otages, aux anciens soldats et aux enseignants).
Il faut dire que la retraite progressive est accessible maintenant à tous, aux enseignants du privé sous contrat, aux personnels de droit privé et même depuis 2023 aux enseignants détachés du public (bien que les formalités administratives soient différentes). Je m’apprêtais donc à prendre ma plume et j’avais même une première phrase en tête « Cette solution de fin de carrière apparaît de plus en plus comme un droit nécessaire dans un contexte où l’on force les agents à rester le plus longtemps possible en emploi ». Mais j’hésite encore avec un style plus honnête « Vous allez probablement devoir travailler jusqu’à 67 ans pour une retraite pleine et vous êtes dans la m***** ». Le temps de tirer une nouvelle taffe de ma vieille pipe et j’en dis un peu plus… je sens venir un moment de lucidité.
Si le discours officiel du gouvernement lors de sa dernière réforme des retraites fut d’avancer que certains emplois, trop accaparants, ne convenaient pas à des personnes âgées, force nous est de constater que rien n’est fait pour faciliter les reconversions des enseignants, ni en début, ni en milieu, ni en fin de carrière. Il ne s’agit pas ici d’une formule rhétorique, AUCUN dispositif pour proposer aux enseignant qui ne tiendraient pas le coup après 62 ans une fin de carrière digne n’existe, ni dans notre administration, ni même en projet dans l’esprit de nos dirigeants. Comme sur de nombreux sujets ce sont donc à nouveau les personnels et les chefs d’établissements qui se retrouveront bientôt… au pied du mur. Gageons qu’ils sauront innover. On me souffle dans l’oreillette que certains chefs d’établissements pourraient être tentés de faire pression sur des enseignants qu’ils jugeraient trop fatigués pour les pousser plus vite à la retraite…
« Mais que nenni, messire, que nenni ! Il est bien connu que le monde de l’éducation nationale n’est qu’amour et compassion, tous deux nourris par cette joie collective d’élever nos jeunes esprits. » me souffle à l’oreille un petit personnage rouge et cornu dont les traits de Beluga m’évoquent un ancien ministre dont je ne parviens toujours pas à me rappeler le nom. Écartant ce petit personnage d’un revers de main, je me décide à reposer ma pipe encore à moitié pleine de son mélange d’herbes médicinales (que prépare mon pharmacien Marseillais Jean-Rachid pour mon chat Malade) pour me recentrer sur la certitude qui vient de s’imposer à mon esprit. Ce n’est peut-être pas grand-chose, mais il faut que j’en parle.
La retraite progressive :
une solution de fin de carrière
Qui est concerné ?
Les enseignants du privé sous-contrat, du public, les contractuels et les personnels de droits privés ont tous accès à la retraite progressive. Elle permet si vous êtes déjà pprfffà temps partiel (entre 40 et 80% habituellement) de compléter son salaire au prorata avec le montant de sa pension calculé au moment de la demande (il y aura un nouveau calcul lors du départ définitif). Le statut est donc plus avantageux qu’un simple temps partiel.
Par exemple si vous passez à 80% vous aurez 80% de votre salaire et 20% de votre retraite (donc moins que 100% de votre salaire, mais plus que 80% de votre salaire).
Pour pouvoir en bénéficier il faut au moins 150 trimestres comptabilisés et il faut être à moins de 2 ans de l’âge légal de départ selon l’article Article L161-22-1-5 du code de la sécu (donc 62 si vous devez partir à 64, un peu moins si vous pouvez partir plus tôt).
Comment le demander ?
Une demande de retraite progressive est à adresser à sa caisse de retraite comme une demande de retraite, avec une liste de pièces justificatives (ils donnent des formulaires type). Si vous remplissez les conditions (notamment le temps partiel), elle reste soumise à un accord de l’employeur.
Après accord, cela donne lieu à un premier calcul de votre retraite à la date de la demande, mais un nouveau calcul aura lieu lors de la liquidation définitive, car vous continuerez à cotiser !
Vais-je améliorer ma retraite définitive ?
Vous cotiserez sur la base de votre temps partiel mais pouvez demander à continuer à cotiser pour un temps plein (Art L. 241-3-1 du code de la sécu). Sur cette période, si votre salaire est supérieur au minimum légal pour leur validation, vous obtiendrez aussi des trimestres de cotisation supplémentaires (dès que vous dépassez 150 heures smic sur un trimestre soit un peu plus de 500 euros mensuels, vous le validez). Attention, vous perdrez toutefois en cotisation pour votre retraite complémentaire. De plus la part retraite de votre salaire ne sera pas prise en compte lors du calcul de vos 25 meilleures années. Pour un temps partiel à faible quotité vous n’obtiendrez pas de nouvelle « meilleure année ».
Quelle est la durée maximale ?
La retraite progressive peut être poursuivi jusqu’à l’âge limite de départ. Vous pouvez liquider votre retraite définitive suivant les mêmes règles d’âges que les agents à temps complet, actuellement jusqu’à 67 ans. Une possibilité de prolongation existe pour les personnes qui n’ont pas atteint le nombre de trimestre de la retraite à taux plein à 67 ans.
Est-il possible de revenir à temps complet ?
Oui, si vous reprenez à temps complet, cela interrompt le versement de la retraite progressive.
La retraite progressive peut-elle être imposée à l’agent ?
En aucun cas elle ne peut être imposée. Il faut un accord de l’agent et de l’employeur.
Comment en savoir plus ?
Lire l’article de Frédéric Eleuche dans la dernière Quinzaine universitaire du SNALC
Mais surtout : Contactez vos représentants SNALC !