Les CPGE publiques et privées sous contrat sont l’exemple même d’une formation qui fonctionne.
Leur taux de succès proche de 100% (tous les étudiants poursuivent en école ou à l’université) permet d’amortir largement le coût de la formation, leur couverture du territoire est inégalée et les petites CPGE sont de véritables formations motrices pour l’inclusion scolaire.
Loin de l’idée préconçue que l’on s’en fait, les classes préparatoires, dans leur écrasante majorité, sont des formations bienveillantes où l’on donne (car c’est bien un choix !) le temps aux enseignants de prendre en charge les élèves quel que soit leur niveau d’origine pour les amener le plus loin possible. On peut constater en quelques clics sur l’application parcoursup que les CPGE, en majorité, ne sont pas plus sélectives que les écoles post-bac ou les cursus sélectifs universitaires, mais le suivi et la qualité de la formation offerte, financés par l’État, sont un atout pour les élèves. (Tiens donc, les moyens alloués feraient donc une différence ?)
Pourtant, depuis la réforme du Lycée, de nombreux esprits qui se pensent sans doute pragmatiques voient avant tout dans ces CPGE un coût pour l’état. Une opinion discutable, nous l’avons vu si on se réfère au coût par étudiant ayant réussi son année, le taux d’échec y étant quasi nul ! Ainsi nous voyons depuis 4 ans environ passer des commentaires, internes au ministère ou publics qui sont axés d’une part sur le taux de remplissage, d’autre part sur le coût de la formation, et en dernier lieu sur son attractivité.
Répondons à chacun de ces trois arguments fallacieux :
Les remarques sur le taux de remplissage visent directement les petites CPGE provinciales, que les représentant de l’État n’hésitent pas à qualifier de formations « premium » mais dont… ils ne font pas la promotion ! Les CPGE sont en effet gérées localement, au niveau des rectorats. Ces petites CPGE sont souvent soutenues par des initiatives politiques locales, pour dynamiser un territoire. On peut regretter qu’il n’y ait pas une stratégie politique nationale à leur sujet, cependant une politique de réduction des coûts à sens unique serait désastreuse pour le maillage territorial.
La seconde remarque, portant sur le coût est là pour faire peser sur toute CPGE un soupçon de non-rentabilité, afin de faire infuser l’idée que toute classe pourrait fermer un jour, car il faut être « raisonnable ». Néanmoins, comme rappelé plus haut, ce soupçon s’avère injustifié une fois considéré le coût par étudiant terminant son cycle d’étude en deux ans. Les CPGE sont ainsi une formation économe, d’autant plus en prenant en compte le fait que leur recrutement n’est pas plus élitiste que celui des autres formations (les chiffres parcoursup permettent de l’attester).
La troisième remarque sur l’attractivité est la plus pernicieuse. Elle vise la structure de la formation et son contenu avec un discours qui aura parcouru depuis 1979 toutes les couches de l’école en passant par le primaire, le collège puis le lycée : Voyons mes amis, que ne faites-vous fausse route depuis si longtemps avec vos cours explicites, vos explications et exercices et vos tableaux à craie ? Il faut être moderne, ludique et mettre fin au cours magistral qui n’intéresse plus les élèves ! Il faut surtout ne pas avoir vu un élève depuis bien longtemps pour tenir un tel discours ! Les élèves de CPGE ont pour préoccupation de réussir un concours et de trouver un emploi par la suite, ils espèrent se construire un CV le plus solide possible car le monde dans lequel ils entrent est de moins en moins rassurant.
C’est ainsi que dans un contexte où il manque des milliers d’ingénieurs par an, on n’ouvre pas de CPGE scientifiques, et on n’en fait pas non plus la promotion. Un traitement qui ne diffère pas de celui réservé aux écoles d’ingénieurs post-bac, aux CUPGE, aux BTS ATI (Assistant Technique d’Ingénieur), formations que l’on retrouve dans le public ou le privé sous-contrat. A titre d’exemple, il a fallu à votre serviteur, enseignant de discipline scientifique dans le supérieur, plusieurs heures pour, en esquivant les nombreuses publicités pour du supérieur privé hors contrat à 9000 euros l’année, recenser les formations publiques et privées sous contrat de sa région menant au métier d’ingénieur (CPGE, écoles d’ingénieurs ou formation en université).
Mais que fait l’État ? Comment gère-t-il cette situation ? Ces carences en nombre de place et cet aspect illisible du dispositif Parcoursup ? Le transfert des compétences en matière d’orientation vers les professeurs principaux, sans contrepartie, vous en donne une très bonne idée : il fait des économies ma bonne dame. Ouvrir des classes, ça coûte des sous à l’état (sauf dans le privé hors contrat où ça coûte des sous aux parents).
Cette année, chers collègues, le moratoire sur les fermetures de formation qui avait été décidé après la réforme du lycée prend fin. Des couteaux qui ont été aiguisés pendant 4 ans sont aujourd’hui prêts à élaguer le paysage de l’enseignement supérieur français. L’État est là pour nous rappeler à la réalité, sa réalité, celle où toute forme d’éducation est un coût dont l’utilité reste à démontrer. Les premières annonces sont tombées récemment, dans cette tribune du figaro étudiant où des professeurs s’indignent de la fermeture d’une CPGE littéraire (ce sont pourtant des CPGE qui se remplissent mieux depuis la réforme !) et on a appris depuis que le rectorat de Paris envisage la fermeture de 4 CPGE qui recrutent pourtant suffisamment d’étudiants et dont certaines sont situées dans le 9-ème arrondissement de Paris, donc vecteur d’inclusion sociale. Le SNALC a été reçu en intersyndicale à ce sujet au rectorat de Paris en présence d’une conseillère du ministre et a fait ici un compte rendu de son entrevue : Compte rendu SNALC de l’audience intersyndicale.
La fermeture de CPGE littéraires ou commerciales, qui alimentent toutes deux notamment les écoles de commerce est un exemple assez marquant du désengagement de l’état dans l’éducation : en effet, fermer ces classes ne signifie pas former moins de « managers », cela signifie remplacer la formation traditionnelle CPGE / grande école, exigeante intellectuellement et comprenant deux années de CPGE de coût très abordable pour les familles, par des formations en grande école de 5 ans, moins généralistes, moins exigeantes et (beaucoup) plus chères pour les familles (puisque moins chères pour l’État). Le coût à long terme de ces arbitrages sera plus important que le maigre gain financier immédiat de ces fermetures de classe.
Le SNALC est là chers collègues. Un peu fatigué mais toujours là. Pour les formations qui ont besoin de moyens pour fonctionner normalement (CPGE scientifiques, écoles d’ingénieurs, prépa intégrées, formations universitaires), pour défendre des modèles qui marchent et pour défendre des formations dont l’existence est légitime et utile !