Depuis les années 2000, le SNALC alerte sur la nécessité de ne pas bannir le redoublement. En novembre 2014, le SNALC a d’ailleurs voté contre le décret le rendant le redoublement exceptionnel. Ce décret avait été perçu par beaucoup de professeurs des écoles comme une remise en question de la pertinence de leur expertise, alors qu’il s’agissait précisément pour chacun d’eux d’établir un jugement très objectif sur le maintien de l’élève, dans son propre intérêt. Le redoublement a d’ailleurs toujours été motivé par la conviction d’un bénéfice pour l’élève.
La profession est divisée sur la question du redoublement. Peuvent s’opposer ainsi deux visions caricaturales totalement différentes.
La première, traditionnelle, défend l’intérêt du redoublement « mérité » (vision jugée trop rigide par certains) et la seconde, plus sociale, considère que le redoublement est néfaste dans la construction de l’individu, les élèves devant pouvoir prendre le temps d’apprendre (vision jugée trop laxiste pour d’autres). Le SNALC, quant à lui, considère qu’un redoublement bien pensé doit permettre à l’élève de combler ses lacunes avant d’accéder à la classe supérieure. En l’absence de dispositifs adaptés, c’est en tout cas une solution plus satisfaisante que de propulser l’élève de classe en classe sans s’assurer qu’il pourra suivre.
Le choc de la dégringolade de la France du rang 15 en 2001 au rang 26 de l’enquête PISA en 2013 a poussé notre pays à mettre à jour son logiciel école (1). Le choix a donc été fait de supprimer la possibilité de redoubler une classe et de permettre ainsi aux élèves d’évoluer à leur rythme, dans la continuité de la politique des cycles de 1989 de Lionel Jospin. Cette décision, en apparence bienveillante, cachait également une volonté politique de présenter des chiffres de réussite scolaire positifs, au risque de les déconnecter de la réalité. Par la même occasion, cela permettait de faire des économies.
Or, personne ne peut nier aujourd’hui la baisse du niveau scolaire, la perte de repères des parents, des élèves et des enseignants, ainsi que la démotivation profonde des jeunes qui entrent sur le marché du travail.
Bien sûr, il serait exagéré d’imputer entièrement la situation actuelle à la suppression du redoublement. Cependant, les effets secondaires de cette décision ont été très négatifs à plusieurs niveaux. Tout d’abord, les élèves qui sont passés sans avoir le niveau ont rarement rattrapé leur retard. De plus, la vigilance des parents vis-à-vis de la scolarité des enfants, motivée par la crainte du redoublement, a laissé place à un relâchement légitime car il avait été annoncé que les retards seraient comblés dans les niveaux supérieurs. Le résultat a été une accumulation de lacunes au fil des années, des niveaux disparates au sein des classes et des difficultés, voire une impossibilité à gérer la différenciation croissante de la pédagogie. La baisse du niveau général a malheureusement conduit à une révision à la baisse des exigences pour les diplômes. Depuis des années, de nombreux bacheliers avec mention se rendent compte qu’ils ne possèdent pas le niveau post-bac attendu et sont contraints d’abandonner des études supérieures à peine entamées. Une situation incompréhensible pour des parents et des élèves de plus en plus critiques sur une école publique qui leur a menti.
Même s’il est un peu tard, le ministre semble avoir pris conscience que le SNALC avait raison et que l’école et la société tout entière paient aujourd’hui les conséquences de cette politique. Espérons qu’il ne faille pas trente ans pour que le ministère entende le SNALC sur le problème de l’inclusion… Comme pour le redoublement, le SNALC continue d’alerter. Nous en reparlerons dans quelques années.
Article paru dans la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1484 école du 5 janvier 2023