Dans les Yvelines, les enseignants ont exercé leur droit de retrait. Ils ont cessé de faire classe. C’était après l’incident survenu la semaine dernière dans un cours.
Maxime Reppert, vice-président du SNALC était en direct ce samedi 16 décembre 2023 sur BFMTV.
BFMTV – Céline Pitelet
Maxime Reppert, merci beaucoup d’être avec nous. Vous êtes vice-président du SNALC et vous êtes professeur d’histoire et géographie. Est-ce que vous aussi, vous constatez que de plus en plus d’élèves contestent le contenu des enseignements à l’école ?
SNALC – Maxime Reppert
Oui, et pas que les élèves d’ailleurs, également des parents qui se permettent de contester, de juger, voire de vouloir faire notre travail en proposant des lectures, des références, etc. Donc on se retrouve dans une situation où on a la pression. En fait, les parents et les élèves deviennent des purs consommateurs de l’Éducation nationale. Voilà, ils consomment, ils méprisent parfois les professionnels que nous sommes et on le voit de plus en plus.
BFMTV – Céline Pitelet
Quelles sont les conséquences sur le respect des programmes et aussi sur l’état d’esprit des enseignants ?
SNALC – Maxime Reppert
L’état d’esprit est marqué tout simplement par un constat : celui de l’insécurité. À la fois une insécurité physique, on l’a vu avec ce qui s’est passé pour Samuel Paty, Dominique Bernard et très récemment, notre collègue qui a été menacée par une élève de 5e avec un long couteau. Donc il y a ce côté-là et puis derrière, il y a le côté psychologique. C’est-à-dire qu’on ressent de plus en plus la dégradation du métier, une image du métier qui est de plus en plus battue en brèche par des comportements de moins en moins tenables pour nos collègues.
(…)
BFMTV – Céline Pitelet
En tant qu’enseignant, êtes-vous formés à faire face à ces situations, à savoir comment réagir quand de telles atteintes à la laïcité se produisent dans vos salles de classe ?
SNALC – Maxime Reppert
Pas du tout. Et je voudrais intervenir sur trois points par rapport à ce qui vient d’être dit, concernant la laïcité.
Premier point, les chiffres qui ont été donnés hier, concernent des atteintes notamment par rapport au port de l’abaya. Effectivement, il y a une baisse en novembre, mais ça ne veut pas dire que la laïcité n’est pas en danger. Elle l’est, et on remarque de plus en plus d’incidents, de contestations du contenu, des programmes, des enseignements par des élèves, mais aussi par des parents. Ça c’est le premier point.
Le deuxième point, on parlait dans les déclarations de situations exceptionnelles. OR, je me rends compte que ces derniers temps, chaque jour, il se passe quelque chose au niveau du climat scolaire. Chaque jour, il y a un incident, et l’exceptionnel devient de plus en plus le quotidien des personnels que nous sommes, des professionnels, et c’est un quotidien qui devient de plus en plus difficile à tenir.
Et enfin, troisième point, il y a un phénomène qui vient un petit peu mettre à mal ces chiffres, c’est le phénomène du pas de vagues, que le SNALC dénonce depuis des années et des années. Du fait de ce pas de vagues, on est en droit légitimement de penser que les chiffres qui sont donnés régulièrement sont en fait sous-estimés.
BFMTV – Céline Pitelet
Pas de vagues, concrètement, ça veut dire que les enseignants ne feraient pas remonter les incidents, c’est ça ?
SNALC – Maxime Reppert
Alors soit ils ne les font pas remonter, parce qu’ils ne se sentent pas soutenus par leur hiérarchie, soit ils les font remonter mais, à un moment donné, la remontée ne va pas jusqu’au bout.
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BFMTV – Céline Pitelet
(…) il décrit un cocktail de situations difficiles à gérer. Ça vous parle, ça Maxime Reppert ?
SNALC – Maxime Reppert
Tout à fait, puisqu’il y a effectivement ce problème de manque de moyens. On voit qu’on manque de profs, mais pas seulement d’ailleurs. Ce n’est pas qu’un problème de pénurie d’enseignants, c’est un problème de moyens de façon générale. Deuxièmement, on se rend compte que des parents cherchent quelque part à se substituer aux enseignants. Et donc, il y a un problème de place. Je pense qu’à un moment donné, les parents oublient un petit peu leur rôle. Et donc effectivement, il y a une forme de collusion. Et puis, enfin, de façon générale, on se rend compte que ce climat se détériore. Ce qui s’est passé à Issou, on le voit ailleurs. Alors pas forcément par rapport à un tableau, mais par rapport à des menaces, par rapport à des propos diffamatoires, par rapport à des violences physiques et psychologiques. Le SNALC le dit très clairement, aujourd’hui, à l’école, nous ne sommes pas en sécurité, nous ne sommes pas dans un climat serein. Et c’est dramatique pour nos élèves, c’est dramatique pour nos collègues. Nous demandons véritablement un changement majeur dans notre quotidien.
(…)
BFMTV – Céline Pitelet
Maxime Reppert, vous nous disiez, maintenant nous, on attend un changement radical. Concrètement, vous attendez quoi ?
SNALC – Maxime Reppert
Tout d’abord, il faut rétablir l’autorité des personnels de l’Éducation nationale, notamment des enseignants. Deuxièmement, il faut réhabiliter la parole des enseignants. Ensuite, il faut donner des moyens suffisants pour permettre aux professeurs de faire correctement leur travail. Il faut aussi reconnaître davantage le métier, un métier qui est de plus en plus dévalorisé, de plus en plus méprisé, et on le voit très bien, ne serait-ce qu’au niveau économique, par exemple. On le voit aussi par rapport à la surcharge des classes. Comment voulez-vous que nous fassions correctement notre travail dans ces conditions-là ? Quel respect cela donne-t-il aux parents, aux élèves et plus largement à la société ? Non, il faut pouvoir faire son travail dignement et sereinement, et pour l’instant, pour de multiples raisons, c’est tout simplement impossible.
BFMTV – Céline Pitelet
Merci beaucoup. Merci Maxime Reppert d’avoir été avec nous.