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Jean-Rémi GIRARD

Edito de la revue Quinzaine universitaire n°1481 du 6 octobre 2023

L’un des prédécesseurs de Gabriel Attal avait comparé l’Éducation nationale à un mammouth qu’on devait dégraisser. Aujourd’hui, le mammouth a surtout perdu ses muscles et ses tendons, mais la graisse est encore là, occupée à envoyer des courriers d’insulte dans l’académie de Versailles, par exemple. C’est uniquement grâce au dévouement des personnels que nous représentons que la structure tient debout, mais elle est près de s’effondrer.

Certains pourraient répondre au SNALC que notre organisation dresse un tableau bien sombre, trop apocalyptique pour être vrai. Un autre ancien ministre l’affirmait, et allait même jusqu’à faire porter le chapeau aux syndicats qui, par leur discours pessimiste, auraient découragé les futurs candidats. Nous avons pourtant besoin d’établir un diagnostic plus proche du réel. Car il y a urgence.

L’urgence, c’est une désaffection structurelle pour nos métiers. Ce sont plus de 7000 postes non pourvus ces deux dernières années aux concours d’enseignants, ou encore une médecine du travail qui aura disparu d’ici 15 ans. Ce sont des titulaires, des stagiaires, des contractuels enseignants, des AESH qui démissionnent de plus en plus souvent, écœurés. « Écœurés » : le mot qui revenait sous la plume de nos collègues de technologie quand ils ont découvert la suppression de leur discipline en classe de sixième.

Car l’institution et le politique ont une grande part de responsabilité dans cette faillite. Pour ouvrir des parapluies et fabriquer de la com’, il y a du monde ; pour reconnaître les erreurs, les rangs sont clairsemés. Notre pays est le dernier en mathématiques ? Sûrement la faute à pas de chance, rien à voir avec la dégradation financière et symbolique de nos professions, avec nos classes parmi les plus chargées d’Europe, avec notre gestion au rabais de l’inclusion, avec la mise au second plan de la transmission des savoirs qui est pour le SNALC la mission première de l’École. Laissez-moi vous proposer une formation après les cours avec un zeste de « pilotage » et un soupçon de « gouvernance », et tout ira sûrement mieux. Sauf que non, ça ne va pas mieux.

C’est pourquoi le SNALC demande au ministre de faire preuve de bon sens, en stoppant déjà tous les projets qui dégradent objectivement nos conditions de travail. Arrêtons cette frénésie autour du remplacement de courte durée et du positionnement hors temps devant élève de la formation continue. Le problème majeur est d’avoir un enseignant bien formé sur la longue durée, déjà. Cessons les suppressions de postes. Faisons qu’aucun personnel ne perde en pouvoir d’achat, ce que les mesures actuelles ne garantissent pas. Organisons un rattrapage salarial via une loi de programmation pluriannuelle pour donner des perspectives à nos futurs collègues, et pour faire que ceux actuellement en poste se voient mieux considérés. Faisons un bilan objectif avec toutes les parties prenantes sur le fonctionnement de l’école inclusive, avant de prendre des décisions lors d’un acte II que le SNALC juge complètement déconnecté du quotidien de nos collègues. Garantissons une égalité de traitement, par exemple pour le recrutement des assistants d’éducation en CDI, où l’arbitraire ne peut tenir lieu de critère unique. Enfin, offrons une réelle stabilité à des personnels qui en ont besoin pour accomplir leurs missions au mieux, en créant un statut de la fonction publique pour les AESH et pour les AED. Tout cela aura un bien meilleur effet sur notre système qu’une énième réforme du collège ou des lycées professionnels.

Le SNALC porte plus que jamais la parole des personnels pour que notre École fasse envie plutôt que pitié. La situation est grave. Ce n’est pas encore la faute de l’actuel ministre. Mais c’est déjà sa responsabilité.