Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur

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Voyage en Absurdie

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« Rappelons-nous un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, le Bac en ce temps-là, affichait ses lauréats aux portes de ses établissements et si l’humble classe qui recueillaient nos efforts ne comportait rien de numérique, c’est là qu’on a trimé sous l’œil vigilant de nos enseignants qui veillaient à nous transmettre savoirs, connaissances et valeurs à l’instar de leurs propres professeurs d’antan. » Merci M. Charles (Aznavour) mais je cesserai là la parodie tant la situation est ironique car là réside le parallèle ! L’enseignement d’hier délivré par les maîtres de l’ancien Ministère de l’Instruction Publique est aujourd’hui galvaudé, malmené, déchiqueté, réduit à la portion congrue voire totalement anéanti par les multiples réformes des multiples Ministères de l’Education Nationale qui suivirent.

La dernière en date ! Le Baccalauréat des Enseignements de Spécialités en Mars ! Pour satisfaire l’inénarrable Plateforme PARCOURSUP laquelle a besoin de résultats finaux dûment notés pour faire tourner ses algorithmes et envoyer nos chers élèves partout… sauf là où ils rêvent d’aller, les doux rêveurs.

Alors nous voici, deux jours à peine après la rentrée de septembre 2022, en classe, menant tambours battants les cours de spécialité, 6 heures par semaine pour terminer le programme en 21 semaines chrono (sur 30 semaines de cours au lycée tout de même !) et mener nos élèves à bout de souffle au 20 et 21 mars 2023, épuisés mais fin prêts à passer leurs épreuves écrites d’Enseignement de Spécialités trois bons mois avant l’épreuve finale de philosophie, maintenue par je ne sais quel prodige en juin, et l’épreuve grandguignolesque du Grand Oral, car désormais nous savons tous que ces magnifiques Grands Oraux que nous allons avoir l’honneur d’écouter avec attention seront pratiquement tous rédigés par ChatGPT.

Notons tout d’abord qu’à l’instar du temps jadis, un temps dont nos chers lycéens ne se rappellent pas, la dernière cohorte ayant passé l’ancien Baccalauréat a depuis longtemps quitté l’enceinte de nos établissements, quand paraît quelque épreuve du Baccalauréat, toute forme d’enseignement s’arrête ! Ainsi les élèves de secondes et de premières sont courtoisement priés de rester à la maison pour laisser place à deux jours d’épreuves écrites. Ce n’est pas comme si venir au lycée revêtait un quelconque caractère d’obligation non plus… Après tout, que sont-ce deux jours d’école manqués dans une année ? Nous avons vu cela avec le confinement dû à la crise COVID.

Viennent ensuite les corrections ! Oui, car lorsque des élèves passent une épreuve nationale du Baccalauréat, chose étrange, il y a des professeurs qui ensuite évaluent ! Quand les épreuves du Baccalauréat se tenaient en juin, c’était pratique, l’année étant terminée, les professeurs n’avaient plus d’élèves en classe et leur temps d’enseignement se transformait naturellement en temps de correction sans plus de perturbation. Désormais avec la nouvelle mouture du Baccalauréat en Mars, que nenni ! Pourquoi faire simple, quand on peut faire compliquer ? Une semaine après avoir perturbé les cours par la tenue des épreuves écrites, voilà que les cours sont perturbés par ces enseignants fainéants qui refusent de faire cours la journée et de corriger la nuit ! Donc, voici venir les 4 demi-journées de correction laissées, bien entendu, à la généreuse appréciation des chefs d’établissements qui décident de façon unilatérale quelles seront les journées qu’ils condescendront à accorder à leurs professeurs-évaluateurs. Les copies, une fois scannées dans les établissements, seront envoyées aux Rectorats, lesquels les organiseront en paquets numériques attribués sur la plateforme SANTORIN à chaque professeur convoqué dans la joie pour effectuer l’évaluation sur écran en s’explosant les yeux ! Une tannée ! Mais SANTORIN recèle des joies cachées ! Comme celle de recevoir un appel téléphonique de votre référent matière au Rectorat au cas où (si vous avez les oreilles bouchées ou des problèmes de comprenette) les notes que vous accordez en tant qu’évaluateur (spécialiste dans votre matière, mazette !) ne rentrent pas dans le cadre prédéfini. Il ne s’agirait tout de même pas de mettre de vraies notes basées sur le travail réel fourni par chaque élève ! Cessons de divaguer, s’il vous plaît ! Donc, par le truchement d’un message, on vous somme de rentrer dans le rang et de relever vos notes pour que la moyenne de votre « paquet numérique » corresponde aux attendus.

Quand enfin les cours reprennent quasi normalement, les élèves sont en panique car ce sont les oraux de spécialité qui pointent le bout de leur angoisse. La semaine suivante ! Lançons-nous à cerveaux perdus dans l’aventure ! Et début avril, le bazar des « décharges de cours » pour aller évaluer les oraux recommencent ! Cette année les 3, 4 & 5 avril 2023.

Et puis… Et puis que pensez-vous qu’il allait se passer ? Qu’une fois nos gentils élèves libérés des seules épreuves de baccalauréat qu’ils devaient affronter de l’année, ils s’en repartiraient gentiment en classe et continueraient de bûcher, trimer, travailler pour acquérir hors « carottes » d’épreuves finales en juin les compétences, connaissances et savoirs que leurs enseignants avaient encore la volonté, l’envie, la foi chevillée au corps de leur faire acquérir avant de les laisser prendre leur envol vers le Supérieur ? QUE NENNI ! La vérité fut toute autre ! Et c’était à prévoir ! Nos élèves ne sont ni pires ni meilleurs que nous le fûmes en notre temps. Une fois le Baccalauréat des Enseignements de Spécialités terminé, une fois les épreuves passées, une fois les résultats obtenus, bref une fois l’affaire de l’année de terminale pliée dans PARCOURSUP, ils se sont comportés comme tout adulte responsable pouvait l’imaginer, sauf bien entendu au Ministère de l’Education Nationale française ! Nos élèves de Terminale ont commencé à regimber, rechigner et cesser de venir en cours. Ils ont commencé à sécher les cours, aidés en cela par des familles complaisantes qui ont fourni les excuses nécessaires : rendez-vous chez le médecin, visites d’écoles du supérieur (très utile, celle-là), examens dans les écoles du supérieur. Ben oui, c’est tellement plus pratique pendant les cours de lycée, pardi !

C’est ainsi que nous avons vu nos classes passer de 28, voire 35 élèves à 17. Facile de mener ainsi, sur les 9 semaines de cours restant pour terminer l’année, une progression pédagogique avec 15 à 17 élèves en classe et pas toujours les mêmes avec au cœur de ce chiffre, le petit groupe de 5 à 8 élèves, têtes de classe, qui continuent de siéger parce que, pour eux, il est hors de question de louper quoi que ce soit !

Et que dire du retour des vacances de printemps ? Nous y sommes ! En Absurdie ! Alors que les épreuves officielles de Baccalauréat ont eu lieu et ont rendu leurs verdicts avant même ladite pause de printemps, alors que la réforme ne prévoit aucune épreuve finale dans les matières du Tronc Commun (mis à part l’épreuve de philosophie), on demande à des élèves de lycée, plus intéressés par leurs écrans de téléphone portable, leurs réseaux sociaux, leurs jeux vidéos voire leurs films en VOD ou en streaming (il faut les voir les yeux rivés sur leurs écrans tels des robots en proie à une quelconque substance hypnotique) de venir en classe pour suivre des cours qui ne présentent à leurs yeux plus aucun intérêt puisque tout est fini. La machine est lancée ! Nos élèves ne sont pas stupides, ils savent qu’ils auront leur Bac. Tous. Sans exception.

Ainsi, donc, depuis le retour des vacances de printemps, nous avons mené un combat sans fin contre l’absentéisme d’une part, aidés en cela par des CPE, souvent efficaces mais épuisés nerveusement, et d’autre part une lutte éprouvante contre l’ennui, le refus de travailler voire l’oubli des acquis tout en observant dans les regards obstinés de nos élèves l’incompréhension face à notre volonté inébranlable à poursuivre l’activité : « Mais à quoi bon ? L’année est finie ? » Dans ma classe d’Enseignement de Spécialité, je les ai contraints à rédiger leur Grand Oral tout en sachant pertinemment que ce qu’ils me faisaient relire (sur les écrans de leur smartphone, bien sûr) était rédigé par une IA. En cours, ils étaient plus préoccupés par les divers messages déferlant tel un tsunami sur leurs écrans que par les échéances à venir. Dans mon cours de Terminale Tronc Commun, j’ai péniblement terminé la séquence en cours avec les élèves présents. Rarement les mêmes.

Et que dire de ces collègues qui n’accueillent presque plus aucun élève en classe tant l’absentéisme est la règle mais qui doivent impérativement assurer une présence dans une salle de classe pratiquement vide parce que disons franchement les choses, l’école est devenue une Garderie Nationale où les enfants sont déposés par leurs parents avant d’aller travailler.

Dans la salle des professeurs, j’ai entendu mes collègues, exténués nerveusement, faire le constat d’une fin d’année dont personne ne voyait le bout au cours de laquelle chacun a pu constater que le refus de se remettre au travail des élèves de Terminale ruisselait rapidement vers le bas en passant par les classes de Première puis celles de Secondes. « Les secondes ne font plus rien ! Ils jouent en ligne ! » s’est exclamée au milieu du mois de mai, épuisée, une collègue en posant son sac de classe sur la table de la salle des profs, l’échine courbée. Parce que, bien sûr, en plus de la dernière Réforme en date, le lycée, dans lequel j’ai le plaisir d’observer tous les ans l’effondrement catastrophique du niveau des élèves français illustrée par les tests PISA, a jugé pertinent d’équiper chaque élève d’une tablette numérique ! Résultat : ils jouent en ligne et visionnent des films directement sur « l’outil pédagogique ».

Peut-être aurait-il fallu réfléchir un peu plus longuement à la psychologie adolescente. Et au lieu de tout miser sur les seules épreuves de spécialités au mois de mars, pour motiver les élèves à poursuivre l’investissement dans le travail, peut-être eût-il fallu ajouter à ces épreuves d’enseignement de spécialité en mars, des épreuves dans chacune des matières du Tronc Commun en juin en appliquant des pourcentages équitables pour chaque partie de ce « nouveau BAC ». Quelque chose qui aurait pu, peu ou prou, ressembler à ceci : 25% pour les Enseignements de Spécialités + 25 % pour les Enseignements du Tronc Commun + 25% pour le Grand Oral + 25% pour les épreuves anticipées de français, langue nationale oblige ! Après tout, savoir s’exprimer et rédiger dans sa langue est peut-être un indispensable de la communication, où que l’on travaille. J’écris cela, je n’écris rien.

La boucle est bouclée : chronique d’une catastrophe annoncée.

« Eh bien, venez tous, vous autres les spécialistes de la Réforme, Marianne a grand besoin de votre aide. Elle s’est mise dans un inextricable pétrin avec son Baccalauréat en Mars. Alors, posez vos rapports ministériels et venez dans nos salles de classe, on va bien s’amuser. Et un, deux, trois, pourquoi venons-nous encore enseigner ? Ne me demandez pas, je ne sais plus. Je vis en Absurdie ! »

(Merci à Country Joe pour l’inspiration de la parodie finale).