Suite aux résultats édifiants de notre enquête sur la prise en charge du handicap dans l’Éducation nationale, disponibles sur notre site Internet, le président du SNALC, Jean-Rémi Girard, avait demandé une audience auprès du ministère. C’est M. Nicolas Kanohou, l’un des conseillers du ministre, chargé de l’école inclusive, de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, qui nous a reçus. Il était accompagné de Jean-Xavier Lichtlé, responsable de la Mission à l’intégration des personnels handicapés (MIPH), et de son adjointe, Magali Dossou-Boisseau.
Cette audience s’est déroulée dans un climat cordial et les échanges ont été riches. Le conseiller du ministre s’est d’emblée montré très demandeur de nos remontées de terrain, conscient que la situation des personnels handicapés dans notre ministère était largement améliorable, tout en mettant en avant une politique ancienne en ce domaine. Nous avons alerté sur l’insécurité dans laquelle se trouvaient les personnels handicapés dans le cadre professionnel. Ils doivent en permanence se battre pour faire valoir leurs droits. Cela explique à notre sens la réponse à la dernière question de l’enquête, dans laquelle près de 75 % des répondants estiment ne pas être accompagnés efficacement par notre institution. Sécuriser le parcours des personnels en situation de handicap est donc une priorité. Or, les difficultés structurelles de la médecine du travail sont un premier obstacle, très important, à l’information des agents sur la RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, via la MDPH), puis sa déclaration auprès de l’administration, qui est une démarche volontaire. La question du lien de confiance des agents concernés envers leur administration se pose, car la sous-déclaration du handicap est très importante.
Notre enquête pointe le fait que les correspondants handicap sont loin d’être connus et reconnus comme des interlocuteurs dans le cadre de ce parcours (seuls 20 % des répondants l’ont rencontré). L’administration reconnaît qu’il y a encore du travail à faire pour les professionnaliser et leur donner la place adéquate dans les équipes des rectorats, afin qu’ils puissent remplir entièrement leur rôle. Les responsables de la MIPH nous précisent qu’aux correspondants handicap vont s’ajouter des référents handicap, fonction définie par la circulaire du 17 mars 2022. Ainsi le correspondant handicap deviendrait l’animateur d’un réseau et plus la seule personne en charge des personnels en situation de handicap. Cela est une bonne chose si ces référents sont au plus près des agents. Cependant, nous avons fait remarquer qu’il faudrait veiller à ne pas reproduire ce qui se passe pour la RH de proximité, qui renvoie toujours au 2e niveau : il faut que ces référents possèdent une réelle expertise pour remplir leur mission efficacement auprès des agents.
Une des questions centrales pour le maintien en poste des agents en situation de handicap est la mise en place d’adaptations de leur poste de travail : or dans notre enquête, les préconisations médicales ne sont appliquées complètement que pour un gros tiers des répondants et la proportion de non-application justifiée par l’administration par les « nécessités de service » est de 65 % ! Cela nous semble inadmissible. Alors que M. Kanohou s’interroge sur le fait que les médecins du travail proposeraient des aménagements non réalisables par méconnaissance de la réalité des postes, nous signalons au contraire de nombreux retours d’agents qui ont reçu de la part du médecin du travail un discours limitant les propositions d’aménagement par les difficultés administratives, et notamment budgétaires. Cela participe de la difficulté à créer un lien de confiance entre les agents et l’institution.
Nos interlocuteurs nous assurent sur ce point qu’en effet le positionnement du médecin est à différencier des questions liées aux contraintes matérielles, budgétaires, et administratives. Le correspondant handicap doit en amont faire le lien entre le médecin du travail et le chef d’établissement : il s’agit d’un trio complexe. Un cursus d’auto-formation sur magistère a été créé pour donner, entre autres, à voir cette complexité. Il y a là un véritable enjeu de sensibilisation et de formation des cadres, soumis à des difficultés également en ce domaine.
La politique handicap, dès 2006, a commencé par la prise en compte des handicaps physique et moteur. Ainsi la plupart des dépenses consistent en achat de matériel et en aides techniques. Il y a sur ce plan des délais incompressibles (fournitures, commandes) mais d’autres délais, concernant la disponibilité des crédits, pourraient être réduits. Cependant de nombreux agents ont besoin avant tout d’aménagements horaires, coûteux en temps. Rappelons ici que le handicap invisible concerne plus de 80 % des personnes en situation de handicap, et que quel que soit le handicap, une plus grande fatigabilité, ainsi que la nécessité de soins réguliers sont souvent difficiles à concilier avec l’exercice à temps plein du métier. Si le temps partiel de droit existe, la perte de revenus qui s’ensuit n’est pas forcément supportable par tous les agents.
À ce propos, nous déplorons le fait que pour les enseignants en particulier, les dispositifs tels que les postes adaptés ou les allègements de service puissent être remis en cause d’une année sur l’autre alors que le handicap n’a pas changé… L’on nous répond que la politique du ministère qui était pourtant celle des textes de 2007 n’a pas été appliquée correctement et que désormais, ce qui guide l’administration est le principe d’égalité de traitement. Effectivement, l’on constate de plus en plus dans les rectorats que l’on déshabille Pierre pour habiller Paul, ce qui doit relever de cette logique : il semblerait pourtant préférable que les deux soient simultanément vêtus !
30 millions d’euros environ sont consacrés annuellement aux allègements de service : ce chiffre apparemment imposant ne représente en réalité que 0,05 % d’un budget de près de 60 milliards d’euros, alors qu’il y a dans notre ministère près de 4% de personnels bénéficiaires de l’obligation d’emploi ! Ne vaudrait-il pas mieux, notamment dans le contexte de difficultés de recrutement actuel, permettre à davantage d’agents de travailler avec une quotité réduite plutôt qu’ils se retrouvent en congé maladie ou en retraite pour invalidité, avec un coût encore plus important pour la collectivité, sans aucun bénéfice pour elle ?
Le SNALC participe aux comités de pilotage et de suivi de la politique handicap organisés par la MIPH. Il sera reçu en bilatérale début 2023 afin de poursuivre le dialogue engagé lors de cette audience concernant la politique handicap du ministère, loin d’avoir épuisé tous les sujets.
Pour conclure, signalons que le SNALC est surpris d’avoir, par cette audience, involontairement contribué à mettre en place des échanges entre le conseiller et les responsables de la MIPH : en effet il semble que cela ne soit pas si fréquent ! Le SNALC, toujours prêt à rendre service, espère ainsi avoir fait œuvre utile.
Retrouvez les résultats de l’enquête du SNALC sur https://snalc.fr/la-prise-en-compte-du-handicap-dans-len-enquete-du-snalc/